jeudi 29 mars 2018

Diary of a Madman ( 1963 ) de Reginald Le Borg

At last ! Il était grand temps de parler de l'immense Vincent dans les Chroniques ! Nous tenons ici un de ces films, plus rares dans la carrière du légendaire acteur, où il interprète le rôle d'un good guy. C'est à signaler ! Sans oublier que Diary of a Madman ne fait pas partie de ses films les plus connus ; et c'est bien dommage car il est très bon.

Adaptation trrrrrès libre du Horla de Maupassant - le scénario reprend le "personnage" du Horla, pour le reste l'histoire n'a pas grand chose à voir avec le conte fantastique - le film commence avec l'enterrement d'un homme, un notable estimé de tous ( enfin presque tout le monde) , le Juge Cordier ( Vincent Price). Selon la dernière volonté du mort, on procède à l'ouverture de son journal intime en présence des quelques personnes mentionnées par ce dernier.  C'est avant tout le récit d'une lente plongée en enfer.

Si le film n'est pas fidèle au livre, il n'en est pas moins remarquablement écrit.  La réalisation de Reginald Le Borg étant compétente mais dénuée de toute virtuosité ou particularité, je préfère me focaliser sur le scénario, véritable point fort du film, en plus de l'interprétation inspirée de Vincent Price. 

Le Horla est un esprit maléfique qui se choisit une victime uniquement dans le but de le contrôler, pour le pousser à commettre des crimes. C'est avant tout un esprit qui tourmente et qui corrompt ; il se nourrit du mal qu'il provoque. Lorsque sa victime ne lui est plus d'aucune utilité, le Horla passe à quelqu'un d'autre et se "transmet" comme une malédiction. La haine est son carburant. Jusque là, Maupassant n'est pas bien loin. C'est le personnage du juge Cordier, son histoire et ses tourments moraux, qui constituera la grande différence entre le film et le conte fantastique d'origine.

Tel un nuage noir, le  horla vient obscurcir lentement et subtilement la vie du très honorable ( quoique pas complètement inattaquable) juge Cordier, en faisant ressurgir les traces d'un passé douloureux. Une simple photo encadrée, accrochée inexplicablement dans le salon alors qu'elle est supposée se trouver au grenier, suffit à créer le trouble. Personne n'y a touché et pourtant le portrait est là... On touche là à l'essence même du genre fantastique, dans cette soudaine apparition d'éléments tout à fait incompréhensibles, illogiques, en plein dans la routine du quotidien explicable et réel.

Cordier est d'autant plus troublé que c'est un homme de raison. Son esprit cartésien n'en est que plus terrorisé par ces manifestations surnaturelles. Il se croit fou et il le confiera lui-même dans son journal : "The terror one feels in the belief of approaching madness...". Homme important pour la société, individu sensible, il n'en est que plus attirant comme victime pour le horla. Celui-ci prendra un malin plaisir à torturer le vertueux juge car cet homme cherche sincèrement à combattre le Mal sur Terre. Cordier vivra dans la terreur de finir sous le contrôle de ce pur esprit maléfique. On assiste alors à la chute, la corruption d'un chevalier blanc, qui devient peu à peu un fou, un meurtrier. Ce thème en particulier m'a fait penser à un personnage d'un film à mille lieux de Diary of a Madman : le Harvey Dent du The Dark Knight  de Christopher Nolan. Les deux, symboles de courage, de vertu et de justice, se retrouvent dans les affres de la déchéance morale. De même cette circonstance où un individu au dessus de tout soupçon, comme l'est Cordier, se prépare à condamner un homme qu'il sait innocent ( puisque ici c'est le juge lui-même qui a commis le crime) me rappelle insolitement un film comme Le Septième Juré de George Lautner. Décidément il y a d'étranges correspondances dans le milieu artistique.

Pour un personnage invisible le Horla n'en apporte pas moins son lot de questions intéressantes : existence de mondes parallèles liés entre eux par le Mal, limites de la volonté humaine, existence du péché même sous les apparences les plus angéliques, fragilité du corps et de l'esprit humain etc...
 
Dans quelles circonstances l'esprit humain peut devenir maléfique ? C'est tout le mystère du Mal qu'on pourrait attraper comme une maladie. Le criminel, bien que lui-même victime de sa propre malédiction, doit être éliminé, écrasé comme un insecte nuisible pour le bien de la société. Tel est le point de vue d'un des personnages secondaires mais néanmoins très intéressant : l'officier de policier Rennedon, ami du juge Cordier. Là encore l'effort d'écriture, même pour les seconds rôles, est appréciable.
 
Terrorisé par un esprit dont l'existence est quasi impossible à prouver, le juge Cordier se retrouvera seul face au horla et à la folie. Son ennemi ne lui laissera pratiquement aucun répit. Le Mal peut contaminer même les âmes les plus nobles. Il est infini, impossible à éradiquer mais il n'est pas impossible à mettre en échec dans un suprême effort de volonté.


lundi 19 mars 2018

Frailty ( 2001 ) de Bill Paxton

Tandis que le Texas vit sous la terreur de "La Main de Dieu" - qui n'est autre qu'un sympathique tueur en série - Fenton Meiks, se présente au FBI et déclare connaître l'identité dudit serial killer. Il s'agirait de son frère, Adam, qui vient juste de se suicider. Alors qu'ils roulent en direction de l'endroit - poétiquement baptisé le Jardin des Roses - où les corps des supposées victimes d'Adam sont enterrées, Fenton ( Matthew Mc Conaughey ) raconte à l'agent Doyle ( Powers Boothe ) comment tout a commencé vingt ans plus tôt. Les frères Meiks vivaient alors une enfance heureuse avec leur veuf de père. Soudain, une nuit, leur vie bascule lorsque ce dernier leur annonce qu'un "ange" lui est apparu et qu'ils devront accomplir une "mission". Alors que Adam accepte sans réserve cette vision divine, Fenton pense que son père est devenu fou.

Whouu, pas facile à pitcher comme film !
 
Frailty ( ou Emprise en français) est le seul film réalisé par le regretté Bill Paxton, acteur qui a surtout joué les seconds couteaux dans une multitude de films et séries, parmi eux d'excellents blockbusters des années 80/90 ( pour n'en citer que quelques uns disons le Aliens de James Cameron, le Predator II de Stephen Hopkins ou le Near Dark de Katheryn Bigelow). 
 
Le moins que l'on puisse dire c'est que le film a été moyennement accueilli par la critique, étant accusé parfois de véhiculer une idéologie nauséabonde. Il se pourrait bien que cette volée de bois vert aie incité le pauvre Bill à ne plus tâter de la réalisation. Et c'est bien dommage ! Car Frailty, bien qu'étant loin d'être un film parfait, laissait présager pas mal de potentiel chez le Paxton réalisateur. Des gens qui s'y connaissent un peu en horreur ( Sam Raimi et Stephen King ! ) sont des fans assumés du film.
 
Le premier élément qui m'a énormément plu dans ce film c'est le côté "impossible à juger" du père Meiks ( joué par Bill Paxton himself). C'est un tueur persuadé de bien agir, d'obéir à Dieu. Il le fait en toute bonne conscience, dans le cadre de sa divine mission. Et le fait qu'il implique ses propres enfants dans ses meurtres, outre le fait que cela décuple l'effet terrifiant de l'histoire, montre bien que Papa Meiks est persuadé de faire le bien. Le sentiment de malaise qu'il provoque chez le spectateur est accentué par le fait que jusqu'alors, ce tranquille père de famille s'est révélé être un bon père, attentionné et aimant envers ses deux fils. Que s'est-il passé? D'où vient cette folie ? Qui lui dicte le nom de ses victimes, des gens qu'il ne connait pas ? Papa Meiks n'est en aucune façon un être maléfique. Bill Paxton excelle dans l'art de faire subsister chez son personnage un côté "innocent" malgré ses meurtres. C'est on ne peut plus troublant. Il tue terrorisé par ce qu'il croit déceler chez les personnes que lui désigne l'ange. D'ailleurs à aucun moment il ne dira "tuer des gens". Pour lui il s'agira toujours de "détruire des démons". On notera également que le film récupère une certaine vision guerrière des anges, un peu façon Ancien Testament, ce qui appuie l'idée que c'est bien un Dieu Vengeur qui s'est adressé au père Meiks. Alors pure folie meurtrière? Véritable visions divines ou démoniaques ? Comment savoir ?

Mais Frailty est également l'histoire d'un gamin tiraillé entre l'amour qu'il éprouve pour son père et sa prise de conscience de l'horreur de la mission de ce dernier. Fenton est aussi terriblement inquiet pour son petit frère Adam qui lui se laisse " contaminer" par la folie du pater. En ce sens, soulignons avec quelle habileté le film nous montre le passé heureux de la petite famille ( histoire qu'on s'attache à eux ) avant que tout dégénère. Bien joué !

Baignant dans une ambiance Amérique Profonde à la...Stephen King, le film instaure une atmosphère propice à la terreur pure. Le spectateur trouve tout de suite ses marques. Signalons l'apport non négligeable de la musique, bien sombre et majestueuse. Mais là où le film est fort c'est dans sa capacité à faire douter le public. Car on ne peut s'empêcher d'envisager la possibilité qu'effectivement le père "voit" quelque chose, qu'il a le pouvoir d'apercevoir quelque noir secret enfoui au plus profond de l'esprit des gens que l'ange lui désigne.

Il va falloir s'accrocher à des détails pour essayer de se faire sa petite idée, dans ce va et vient entre le présent et les flash back au moment des meurtres du père. Par exemple, Papa Meiks croit que son Dieu le rend invisible lorsqu'il tue. Ainsi, il lui serait possible d'assassiner quelqu'un au milieu d'une rue bondée de monde sans se faire voir. Or, il essaie quand même d'être le plus discret possible. Pourquoi, puisqu'il est si persuadé que Dieu le rend invisible ? Pas logique. Deuxième faille que je remarque, l'ange lui dit quelque chose qui ne lui plait pas à un moment donné, au sujet du manque de foi de Fenton. Le père décide alors de montrer que l'ange peut se tromper. Implicitement il admet que le messager divin peut se gourer quoi...
 
D'autres éléments viendront ajouter à notre confusion. Le fait qu'Adam se met à "voir" aussi les démons lorsque le père leur amène ses victimes. Le fait aussi que le père semblait un type formidable, tout à fait normal, avant l'apparition de l'ange. La folie peut-elle surgir aussi soudainement, du jour au lendemain ? Jamais le film ne condamne clairement le personnage. C'est osé, on va dire.
 
En somme, Frailty est un film impossible à interpréter de manière catégorique et définitive. Il est conçu dans l'optique de laisser un maximum d'ouvertures à l'interprétation du public. Tout dépendra de ce que le  spectateur est capable de croire. S'il est cartésien ou , au contraire, croit au surnaturel. S'il est athée ou religieux ( et là encore plusieurs possibilités. Car ici l'idée d'un Dieu Vengeur, de l'Ancien Testament, prévaut largement sur l'idée du Dieu miséricordieux du Nouveau Testament). En fonction de tout cela, la réaction de chacun devant le film sera différente. On peut lui trouver une idéologie insoutenable ou on peut juste être troublé par les doutes qu'il suscite en nous. Tout dépendra des indices qu'on aura récoltés tout au long du récit.
 
Avec son parti pris sur le fil du rasoir Emprise ne nous livre pas son message clef en main, il nous laisse décider.
 
Malgré un twist assez prévisible - qui étrangement ne gâche rien et qui contribue à sa manière à nous maintenir dans le vertige créé par l'histoire - Frailty tient bien la route jusqu'au bout. La mission des Meiks est indéniablement monstrueuse. Reste à savoir si, comme Fenton, on rejette la chose en bloc, ou si on se laisse troubler par le point de vue du père et d'Adam. 

Le film nous oblige à nous positionner, à réfléchir sur les concepts de culpabilité et de monstruosité. Où est la Vérité, le Bien et le Mal ? Comment réellement les distinguer? Il nous parle de l'influence de nos croyances, de notre volonté, sur ce que l'on croit voir. Il nous parle de l'importance des liens du sang. Il nous dit que peut être ( sûrement ) des choses échappent à notre raison.

Oui, Frailty a des défauts mais il provoque bel et bien un véritable tourbillon dans nos têtes.
 









vendredi 9 mars 2018

Alice Sweet Alice ( 1976 ) de Alfred Sole

Alice Sweet Alice est décidément un drôle de film. Arrivé deux ans avant Halloween c'est une sorte de pré-slasher, un brin foutraque et expérimental, mais libre de faire ce qu'il veut, du coup. 
 
Alors qu'est ce que ça raconte exactement? Pitchons, pitchons : La petite Karen est assassinée le jour de sa première communion. Tout le monde suspecte sa sœur, Alice, qui, il faut bien le dire, se comporte de manière un brin étrange et inquiétante. Les agressions et meurtres à l'arme blanche s'enchaînent. Le tueur porte un masque et un ciré jaune. Et sa silhouette est féminine. Tout semble évident.

Passées les quinze premières minutes, on se dit que l'identité de ce tueur au ciré jaune ( giallo!) ne fait aucun doute : alors on fait quoi maintenant, Alfred ? Et puis, et puis, tout n'est pas aussi évident qu'il n'y paraît, fort heureusement pour nous, spectateurs.
 
De toute évidence Alice Sweet Alice n'a pas pour point fort son visuel, même si la photo n'est pas dégueu à certains moments. Le budget devait être assez limité. Pour un public biberonné au slasher, au giallo, au whodunit, l'histoire peut même sembler pas très originale. Mais n'oublions pas qu'on était en 1976.

Mais alors quel est le gros point fort du film, me direz-vous? Je vous répond : sa galerie de personnages, tous plus détraqués les uns que les autres. C'est cette ambiance malsaine, qui plane tout le long du film, qui le rend intéressant. Alfred Sole prendra aussi le pari risqué d'un twist au 3/4 du film. Décidément le garçon ne dispose pas beaucoup d'argent mais il a des idées audacieuses.

Mais parlons des personnages. Tout d'abord il y a Karen, la première victime, petite fille parfaite, un peu enfant gâtée mais qui est de loin la plus innocente du lot. Et bien sûr c'est à elle à qui il arrivera un truc vraiment pas cool pendant sa communion. Jésus, la Sainte Vierge et tous les saints réunis n'y pourront rien.
 
Puis il y a Alice ( le sweet Alice du titre est on ne peut plus ironique!). Dès qu'on croise son regard à celle-là, on se doute que c'est un cas qui relève de la psychiatrie ! Bien qu'à peu près du même âge que sa soeur Karen, Alice a déjà la voix et le regard provocateur d'une jeune fille qui n'a pas froid aux yeux. D'ailleurs ton corps change, pas vrai Alice ? Tu ne t'entends pas ni avec ta soeur, ni avec ta mère ou ta tante Annie, mais en même temps t'es flippante, ma vieille !
 
La tante Annie, elle, est une femme dominatrice ( il faut la voir parler à son mari. C'est du genre pousse toi de là que je m'y mette!). Elle a une certaine emprise également sur sa soeur Catherine, qui est donc la mère des deux fillettes. Figure énervante de la lady qui se croit meilleure, plus convenable que les autres, la tante Annie  semble vouloir aider son entourage uniquement dans le but de mieux les contrôler à sa guise.  L'hystérie la guette à celle-là! Passons sur Catherine et sur le père ( à travers lequel le film prend un petit côté polar à un moment donné) car ce sont des personnages moins malsains mais assez insipides.
 
Ensuite vient un gros morceau ( c'est le cas de le dire) : Monsieur Alphonso. Lui, c'est un client ! Il est le propriétaire de l'immeuble où vit la petite famille ( sauf le père qui s'est remarié). Alphonso vit à l'étage d'en dessous, dans un appartement qui sent la pisse de chat. Il passe tout son temps vissé sur son fauteuil à écouter de l'opéra, en compagnie de ses chats. L'homme est laid et énorme et pas très porté sur l'hygiène. Niveau alimentation, il semble apprécier le Whiskas de ses chats. Mais c'est surtout sa façon de regarder Alice qui le rend dégoûtant : ce type est un gros pervers. Avec son teint blafard, maladif, difficile d'avoir l'air plus repoussant. Néanmoins Alice prend un malin plaisir à le provoquer et à l'insulter. Bref, c'est la fête entre eux.

Pour finir nous avons Mme Tredoni, une sorte de gouvernante qui travaillent pour les prêtres du coin. Un personnage de bigote, extrême forcément. Cette dernière se montre possessive vis à vis d'un des curés, le père Tom, qui lui semble attiré par la mère des deux gamines. Excepté ce prêtre, personne ne trouve grâce aux yeux de Mme Tredoni, véritable grenouille de bénitier, pas commode du tout.

De ci de là des personnages, qu'ils soient centraux ou secondaires, balancent leur petite réplique riche de sens : "les gens font des trucs de fous" dit l'un ; "tout le monde se trouve une excuse." dit l'autre. "Les parents sont ceux qui connaissent le plus mal leurs enfants" etc... Ce sont de véritables commentaires sur le coeur même du film.
 
Niveau réalisation, rien de particulier à dire si ce n'est cette tendance à filmer les visages de près ( pour mieux scruter leurs réactions mais aussi pour accentuer leur creepytude). Notons également l'interprétation un peu too much et hystérique de certains des personnages. Quant à la bande son, je trouve qu'elle fait le job, sans être mémorable.
 
Pour conclure, signalons le fait que Alfred Sole n'a pas choisi par hasard d'appeler son personnage central Alice. Son film peut être considéré comme un Alice au pays des tordus. Et on peut tout à fait considérer que la "sweet" enfant est à sa place parmi eux.




jeudi 1 mars 2018

The Tall Man ( 2012) de Pascal Laugier




Pour sa première expérience outre-Atlantique, on ne peut pas dire que Pascal Laugier  ( réalisateur du traumatisant Martyrs ) aie manqué de courage dans le choix de son sujet. Son film, ayant pour cadre une Amérique profonde, très " à la Stephen King", a incontestablement des choses à dire sur des thèmes d'actualité et ô combien épineux.

Tout se passe à Cold Rock, ville morte, minée de problèmes économiques et sociaux. Et pour couronner le tout, les enfants de Cold Rock disparaissent sans laisser la moindre trace. La seule explication que la population trouve à cette série de disparitions débouche sur la naissance de la légende du Tall-Man, un homme ( grand donc) qui surgit de la forêt pour enlever les mômes. Mais est-ce bien une légende? On ne tarde pas, en tout cas, à accorder au furtif et insaisissable kidnappeur des attributs quasi-surnaturels.

La vaste forêt aux portes de Cold Rock est l'alliée du Tall Man. C'est d'elle qu'il surgit et c'est encore elle qui lui offre refuge. Comme si elle le cachait aux yeux du monde civilisé, juste sous le nez des habitants de Cold Rock. Elle est l'inconnue, le territoire sauvage et inexploré, juste à quelques mètres du bord de la route. Son côté protecteur m'a rappelé une autre forêt : celle où se réfugie John Rambo pour échapper à la stupide bande de policiers qui le persécute.

The Tall Man repose en grande partie sur les épaules de Jessica Biel qui interprète le rôle pas facile du tout de Julia, une jeune veuve qui travaille comme médecin dans cette ville sinistrée. Une nuit, son fils de 5 ans est, à son tour, enlevé. Elle se lance à la poursuite  du kidnappeur sachant que si elle le perd de vue, elle ne reverra jamais son enfant.

Dans sa structure même, le film est déjà un pari très osé, car Laugier n'hésitera pas à coller un twist très tôt, alors qu'il termine à peine d'installer les bases et le contexte de son récit. La chose laisse le spectateur un brin déboussolé, il lui faudra quelques minutes pour retrouver des repères, mais l'effet est vertigineux. Pascal Laugier montre là qu'il est un fin manipulateur. Et c'est un autre film qui commence à présent.


Il y a, d'après moi, un autre personnage important dans le récit : il s'agit de Jenny, une gamine de 12 ans. Jenny n'est pas folle ni stupide ni malsaine, et pourtant elle donne l'impression de "rechercher" le Tall-Man. L'ayant aperçu une fois, elle semble attirée irrésistiblement par ce mystère. En rupture avec le monde extérieur à qui elle n'adresse pas la parole ( elle préfère communiquer par écrit et par des dessins) Jenny personnifie assez bien l'idée de l'enfant pris au piège dans un milieu familial difficile, qui ne lui offre pas de réelles perspectives d'épanouissement personnel et d'avenir. Le film parle clairement de ces adultes qui élèvent leurs enfants uniquement pour qu'ils deviennent comme eux, c'est à dire des êtres perdus dans la vie. Il y a cette idée tenace qu'il faudrait pouvoir rompre ce cycle de malheur.

Le personnage de Julia est par ailleurs difficile à appréhender par le spectateur tant que celui-ci ne connaîtra pas les mobiles qui la font agir ainsi. Son ambigüité est totale. Son silence protège quelqu'un, quelque chose de suffisamment grand pour qu'elle soit prête à se sacrifier...en martyre ( désolé mais fallait que je la sorte celle là!). Pour pouvoir la juger, encore faudrait -il que nous en ayons le droit et la lucidité nécessaire. Les habitants de Cold Rock, clairement, ne semblent pas en être capables. Véritables somnambules de la vie, victimes de leur propre marasme existentiel, victimes d'eux-mêmes, ils "s'accrochent" comme ils disent pour survivre à la misère ( dans tous les sens du terme) omniprésente autour d'eux. Ils ont des enfants par pure obéissance à leurs instincts et aux exigences de la société. Par pur mimétisme, par pur hasard aussi, peut être. Et ces adultes savent instinctivement que les enfants sont meilleurs qu'eux. Pour les mômes il y a encore de l'espoir au moins. Alors que pour les "grands", c'est fini, c'est trop tard. Alors oui ces parents aiment leurs rejetons mais, au fond, ont-ils vraiment la capacité de leur proposer une vie d'espoir, de rêves et d'ambitions ? Bref de les élever !

Le film prendra tout son temps pour se dévoiler, laissant bon nombre de spectateurs, je pense, moralement choqués. Car ici Laugier touche à quelque chose d'hyper sensible, de très dur à dire, bref à un terrain miné comme pas deux. Certains pourront même dire que le simple fait d'avoir pensé et voulu raconter cette histoire est déjà suspect voire nauséabond. Personnellement je ne le crois pas. Par l'intermédiaire de Jenny je crois que c'est aussi le réalisateur qui parle.
 
Le film se conclut sur une question que Jenny se pose à elle-même ( et donc par extension au spectateur aussi) et qu'elle répète trois fois, à chaque reprise sur un ton plus marqué par l'effroi et un terrible doute...






 
 



Bad Moon ( 1996) de Eric Red

Alors qu'il sont en pleine expédition au Népal, Ted Harrison et sa petite amie Marjorie, vont être sauvagement attaqués par un ...