vendredi 6 octobre 2017

Willard ( 1971 ) de Daniel Mann

Tout comme l'araignée et le serpent, le rat a depuis toujours eut cette capacité à nous filer les jetons. Il incarne à la perfection cette créature des souterrains obscurs, des égouts puants et crasseux, susceptible de peupler nos cauchemars.

Pris individuellement, il serait presque mignon. Mais très vite rat rime avec légion ( si, si, je vous assure ! je suis poète !) et il devient serviteur des forces du mal. Dracula lui-même y a recours de temps en temps !

L'erreur commise par Willard Stiles, personnage qui donne son titre au film, est de ne pas avoir vu venir le péril provoqué par la multitude. L'individu peut être bon, inoffensif, mais la foule ( surtout de rats!) est toujours dangereuse car incontrôlable.

Garçon sans amis, dominé voire martyrisé par son entourage ( notamment par son boss) Willard se lie d'amitié avec des rats. Avec eux il passe des heures à jouer et à faire le professeur ( et le rat apprend vite !) en oubliant pendant quelques heures la grisaille et l'ennui du monde sérieux et pragmatique ( monde représenté notamment par les personnages de la mère et du patron). Le jeune homme apprécie d'autant plus les rats qu'ils lui obéissent au doigt et à l'oeil. Enfin jusqu'à l'arrivée d'un gros rat noir, que Willard baptise Ben, qui semble moins obéissant, plus têtu et entreprenant que les autres. Ben deviendra un leader prêt à mener la révolution des damnés de la terre contre leur maître.

Willard n'est pas un mauvais bougre, il est juste lunaire, incapable de se fixer réellement sur le monde des adultes : tout cela l'ennuie. Sur ses épaules pèse également le poids du passé, feu son père ayant été le fondateur de la boîte où il travaille. On ne sait pas ce qui est exactement arrivé au paternel mais la famille Stiles - surtout la mère - estime que c'est le patron de Willard ( excellent Ernest Borgnine !) qui l'a "tué". Obligé de travailler et de courber l'échine sous les ordres du "tueur" de son père et incapable d'assumer financièrement la maison familiale ( qu'il laisse peu à peu tomber en ruines, comme un héritage beaucoup trop lourd à porter pour lui) Willard est un individu qui manque cruellement de confiance en lui. Pourtant, de temps en temps, il peut plaire ( à la petite collègue en face de lui au bureau, la toute jeune et mimi Sondra Locke en l'occurence) et arrive parfois même à prendre des décisions importantes.

Les rats vont l'aider à se venger de ce monde qui le rabaisse et qui ne veut pas de lui. Mais ils ne cesseront jamais de représenter une anomalie grave et effrayante dans la vie du jeune homme. Lorsque ces derniers ne se contentent plus de rester dans la cave,  où Willard les enferme, et qu'ils commencent à ronger les portes avant d'envahir la maison, on comprend bien que l'esprit de Willard est lui aussi rongé patiemment par un terrible envahisseur : la folie. Willard essaiera de reprendre le contrôle sur sa vie, les rats vivront cela comme une trahison de sa part.

La réalisation de Daniel Mann ( apparemment aucun lien de parenté ni avec Anthony ni avec Michael) est d'une sobriété absolue. Aucune audace, aucune tentative particulière de faire du beau visuellement. Tout juste l'image est elle "écrasée" comme pour rendre la maison des Stiles encore plus oppressante. Néanmoins certaines scènes, riches de sens, font mouche, en nous montrant bien à quel point les hommes ne valent guère mieux que les rats qu'ils méprisent.

Bruce Davison est très à l'aise en garçon lunaire. Il est l'exact opposé du personnage d' Ernest Borgnine, homme (trop?) sûr de lui, vorace et libidineux : un pragmatique sans états d'âme qui incarne à la perfection la virilité de l'homme d'affaires américain. Cette figure ayant pignon sur rue, valorisée et respectée par les autres pour sa médiocrité même, semble-t-il...

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