dimanche 20 août 2017

The Pit (1981) de Lew Lehman

Mine de rien The Pit  - ou, dans son titre français, totalement ridicule mais drôle, Teddy la mort en peluche ( non, non, je ne plaisante pas !) - m' a "obligé" à l'intégrer aux Chroniques Creepy. De par sa qualité très fluctuante, ce petit film fauché, une série B qui frôle ( palpe? plonge dans?) le Z n'avait pas, d'entrée, sa place ici. Alors pourquoi ? Car moi, Président de la République euh non moi, Général de la Terreur Méconnue à la retraite, j'ai, jusqu'à présent, plutôt eu tendance à mettre en avant des films qui m'ont beaucoup plu. Normal.

The Pit ne m'a pas beaucoup plu, mais il est là. Malgré ses défauts ( et il en a pas que deux !) je l'ai regardé jusqu'au bout, sans déplaisir.

Montage fait au hachoir, interprétation douteuse de certains acteurs ( heureusement pas les principaux, c'est déjà ça ! Sammy Sniders dans le rôle de Jamie est même plutôt pas mal) , scénario qui part en free-style, monstres bricolés avec les moyens du bord ( c'est à dire pas grand chose !) , musique digne d'un épisode de La Petite Maison dans la Prairie etc... Avec tous ces ingrédients The Pit a tout pour être un gros nanar mais, miraculeusement, il est plus que cela, au final...même s'il est un peu nanar quand même !
 
Comme son personnage principal, The Pit a un côté chien fou, imprévisible, illogique, mais attachant. Certaines scènes, hautement improbables, atteignent même un niveau comico-surréaliste, sans qu'on sache si l'effet était voulu ou pas. Mais le fait est que le film possède un humour de sale gosse. Et ça, ça marche avec le spectateur que je suis !
 

Il est temps de vous présenter Jamie. Quel étrange cocktail de gamin, qui, à l'âge de 12 ans, dort encore avec son ours en peluche tout en collectionnant les magazines avec des femmes à poil. Le garçon vit dans son monde et ne redescend de son nuage que pour parler à Teddy ou pour reluquer les filles. Il n'a pas d'amis. Au contraire, tout le monde le déteste et le lui fait savoir sans retenue. Le vilain petit canard(ien) - car oui, The Pit est un film qui nous vient du Canada - n' a pour compagnie que Teddy ( qui, très vite, se met à parler et même à bouger) , ses serpents ( oui, il en a dans un vivarium et il en prend grand soin ) et ses parents. Ces derniers, sans que le film ne prenne la peine de nous l'expliquer, partent pour un bon moment et confient Jamie à une jeune et belle baby-sitter prénommée Sandy. Celle-ci semble très sûre d'elle, pas inquiète pour un sou à l'idée d'avoir à gérer le comportement difficile de Jamie. Comme elle le dit elle-même, elle a lu un tas de livres pour apprendre à maîtriser ces petits monstres...

Les armes de Sandy sont la beauté et la douceur dont elle fait preuve. C'est comme ça qu'elle les apprivoise, les mômes. Jamie n'échappera pas à la règle. L'impression que laisse le personnage de Sandy est assez mitigée. Derrière son air angélique, elle communique systématiquement avec Jamie sur ce ton très doux, à tel point que ça paraît presque hypocrite. La jeune femme, consciente de ses atouts, les utilisent à fond. Au cours d'une scène de repas ( très bien amenée) , Jamie jette un coup d'oeil sous la table pour mater les jambes de sa baby sitter et, suite à cela, celle-ci se révèle beaucoup moins innocente qu'elle en a l'air.
 
Inutile de dire que la présence de la belle va émoustiller le gamin au plus haut point. Un môme solitaire qui fait des bêtises, que tout le monde rejette, qui se fait taper dessus parfois même, et qui tombe amoureux de sa baby-sitter : comment ne pas éprouver de la sympathie pour lui ?
 
Jamie ne tardera pas à révéler son secret à Sandy : il a découvert un trou béant au milieu de la forêt ( très bonne idée) , un puits d'où s'échappe des grognements étranges. Mais elle ne le croit pas, bien évidemment. Par contre, Sandy devine que quelque chose ne tourne pas rond dans cette famille. Quelque chose de grave.

L'histoire prendra alors, comme je l'ai dit précédemment, des virages hautement improbables par moments. Mais ces incohérences débouchent sur quelque chose de drôle et jouissif. Sur la fin on sent bien que ça pêche un peu à la ligne niveau scénario, et le spectateur ne sait pas trop où le film compte l'emmener. Heureusement Lew Lehman a su arrêter son film à temps, avant que ce soit la catastrophe. Il nous gratifie même d'une scène finale surprenante, quoique inexplicable ! The Pit est comme ça, que voulez-vous !

Malgré ses défauts, on a envie de tout pardonner à un film quand celui-ci réussit à nous toucher émotionnellement. Ce fût mon cas avec The Pit.

Je tiens à souligner que je l'ai regardé en vf, et que la voix française de Jamie ( suis-je fou ou est-ce la voix de Huckleberry Finn dans le dessin animé Tom Sawyer ?! Si ce n'est lui c'est donc son frère !) a largement contribué à me le rendre sympathique, en réussissant à transmettre une belle émotion.  Certaines de ses répliques en français sont même plutôt bien écrites.

Si je ne devais garder qu'un seul souvenir du visionnage de The Pit se serait l'image de Jamie, répétant à plusieurs reprises au cours du film : "Mais j'ai rien fait de mal !". Mais non, Jamie, tu n'as rien fait de mal ! ( ou presque!). C'est le Monde et la Vie qui sont méchants avec les vilains petits canards.
 
 
 
 
 



lundi 7 août 2017

The Collector ( 1965 ) de William Wyler


Freddie a minutieusement préparé son coup. Il vient d'acheter une maison isolée dans la country anglaise, et son regard, d'habitude terne, brille soudainement d'un éclat inquiétant lorsqu'il nous fait découvrir la cave. L 'endroit est parfait pour son plan.

Jusqu'alors petit employé de banque moqué par ses collègues ( ces derniers le raillent notamment au sujet de sa passion pour la chasse aux papillons ), Freddie vient de bénéficier d'un gros coup de pouce du Destin, qui lui apporte soudainement une grande aisance financière. Il n'a plus besoin de travailler désormais et va pouvoir se consacrer à ce qu'il désire le plus : attraper la femme de ses rêves! Les papillons, ça n'était qu'un début.

Miranda Grey, une jeune et jolie étudiante en art, est la malheureuse élue.

Remarquablement organisé, Freddie ( incarné par Terence Stamp) parviendra assez facilement à capturer son beau papillon humain. Miranda ( joué par l'excellente actrice Samantha Eggar ) s'imagine tout de suite que son ravisseur agit pour demander une rançon ou pire pour abuser d'elle sexuellement. Mais que nenni ! Freddie l'a certes kidnappée mais il compte bien se montrer respectueux et courtois  envers elle.

Son but ? "Lui apprendre à mieux le connaître" comme il dit,  en espérant qu'elle finira par l'aimer. Il se sent invisible, rejeté par les autres, et c'est pourquoi il agit ainsi, persuadé que c'est là la seule façon d ' avoir Miranda pour lui.

Saluons la formidable performance de Terence Stamp dans ce rôle. Avec son allure de premier communiant, un peu benêt, Freddie ne semble pas très inquiétant, au premier coup d'oeil. Les épaules rentrées,  ( pour exprimer le tiraillement dans lequel il se trouve) et la tête basse, il ressemble plus à un sbire, à un  serviteur tordu, plutôt qu'à un monstre terrifiant. Sauf que son regard d'enfant timide, d'habitude lointain et lourd, se met soudainement à lancer des éclairs de colère quand on contrarie un peu trop ses plans. Dans ces moments là, une lueur implacable y apparait.   

The Collector est un huis clos, une partition dans laquelle se répondent deux instruments aux sonorités complexes. Avec ses superbes arcades, la cave où Miranda est retenue prisonnière offre un décor gothique digne du repaire du Fantôme de l' Opéra.

Par moments, on pourrait presque entendre les voix qui murmurent dans la tête de Freddie. Ce sont elles qui le rendent si prévoyant, si difficile à tromper, mais, revers de la médaille, ce sont également elles qui alimentent sa folie, parce qu'elles déforment systématiquement la réalité toujours dans le sens qui l'arrange le plus. C'est pourquoi le spectateur n'a pas fini de faire le tour de ce personnage fascinant. Bien qu'enfouie sous un épais vernis d'affabilité et de bonnes manières, sa rage envers les autres est bien là, comme un arbre maléfique, puissant et profondément enraciné dans son coeur. Derrière ses airs de garçon propre sur lui, Freddie est un adorateur ( qui s'ignore ) de la Mort. C'est aussi un manipulateur hors pair.

Miranda est son exact opposé. Elle est pleine de vie. Tout le monde l'aime. Sa sensibilité artistique lui permet d'accéder à un monde de beauté totalement hors d'atteinte pour Freddie. Il est intéressant de voir jusqu'où Miranda est capable d'aller pour survivre. Elle aussi se doit de jouer la carte de la ruse et de la manipulation. Et elle le fait avec une telle subtilité, de manière si ambigüe, qu'il nous arrive parfois de douter. Serait-elle en train de nous faire un syndrome de Stockholm? Commencerait-elle à éprouver un soupçon d'attachement pour son ravisseur? Son comportement trouble Freddie et le spectateur. Peut être n'est-elle qu'une très bonne comédienne, allez savoir... Mais dans l'ensemble, on la plaint d'être tombée entre les mains d'un monstre aussi insaisissable.

William Wyler a, en 1965 ( époque où sa carrière touche presque à sa fin ) une richissime filmographie derrière lui. On lui doit notamment La Lettre ( 1940) et La Vipère ( 1941) deux très bons films avec Bette Davis. Wyler aura touché à tous les genre avec succès (western, polar, comédie, drame, péplum etc...). C'est après avoir été aux manettes du titanesque Ben-Hur ( 1959 ) qu' il s'est tourné vers des projets plus petits mais passionnants comme La Rumeur ( 1961 ) et donc notre Obsédé  (horrible titre en français de The Collector ). Grand bien lui en a pris ! Le style visuel est superbe avec un Technicolor que n'aurait pas renié la Hammer. La réalisation, bien que très soignée, ne dévie jamais notre attention de ce qui compte vraiment : les personnages.

Tout le long du film ces deux là vont négocier, jouer la comédie, se manipuler l'un l'autre, et lutter, chacun avec ses armes. Les masques tomberont un à un. Pour nous laisser, une fois le rideau tombé, décontenancés mais ravis.





mardi 1 août 2017

Parents ( 1989 ) de Bob Balaban


La caméra, très proche, remonte lentement le long d'une photo en noir et blanc où l'on aperçoit le visage d'un petit garçon à l'air rêveur, au regard lointain. L'accompagnement sonore est inquiétant, pour ne pas dire sinistre. L'image disparait en fondu, on nous laisse dans le noir deux secondes, puis boum le générique démarre ( c'est un mambo chaloupé ) et c'est le grand écart niveau ambiance. Le soleil et les couleurs pimpantes débarquent en force à l'écran. Voilà comment Balaban a décidé de lancer son film, d'une bien étrange façon. Mais pourquoi pas après tout ! Bien joué, Bob !

Quelque part en Amérique dans les années 50, la famille Laemle (Papa, Maman et le petit garçon qu'on vient juste de voir sur la photo) emménage dans une banlieue proprette. Toutes les maisons sont bien alignées. On est en plein dans l'american way of life avec son culte de la réussite sociale, de l'apparence et du positivisme niais. Une époque où l'on croyait que bonheur rimait avec consommation à tout va. Les parents sont radieux à l'idée d'entamer cette nouvelle étape de leurs vies. Mike ( leur petit garçon) assis sur la banquette arrière de la Oldsmobile familiale semble beaucoup moins enthousiaste.

Dressons un rapide portrait des parents. C'est le titre du film après tout.  Le père ( Randy Quaid est parfait dans le rôle ) , très sûr de lui, se comporte comme si le monde lui appartenait. Il porte des lunettes d'homme sérieux, il a des joues rondes qui lui donne un air trompeur de bonhommie. Arborant toujours un sourire pincé, il n'hésite pas à parler de choses étranges avec son fils, sur un ton si calme et enjôleur que cela en devient inquiétant. Un éclat de cynisme est la seule chose qui brille dans ce regard froid. Voilà le genre d'individu qui a l'air capable de vous écorcher vivant tout en gardant le sourire. Quant à la mère ( Mary Beth Hurt, très bien aussi ) , même si elle est un brin plus rassurante, elle n'en ressemble pas moins à une sorte de poupée humaine programmée pour être la parfaite femme au foyer made in USA. Elle porte de jolies robes, sourit tout le temps et sait faire de jolis gâteaux.

Le réalisateur nous expose par l'image, dès la première scène dans la nouvelle maison, ce que ressent l'enfant vis à vis de ses parents. Mike, filmé au premier plan et de profil, semble vouloir éviter du regard ses parents qui discutent au fond de la pièce, derrière lui. Il a un air de petit canard fragile pris au piège.

Très vite Parents nous offrira une fantastique vision d'un cauchemar que fait Mike, filmée d'une manière impressionnante de fluidité. Le montage du film est un modèle du genre aussi, enchaînant avec un sacré art de la transition inattendue des scènes étranges/inquiétantes, des scènes parfois drôles voire surréalistes et des visions cauchemardesques ( car oui, il y en a plusieurs). Soulignons l'importance également de la musique et des effets sonores. Que ce soit du mambo, de la chanson à crooner ou du rock'n'roll, la musique, collée sur ces images, de cette façon, contribue fortement à la création de cette atmosphère trouble et angoissante. Sur les scènes explicitement plus effrayantes, l'emploi d'effets sonores évoquant des souffles venus du fin fond des abysses, puis des voix semblant provenir d'un autre monde, sont remarquables d'efficacité.

Les repas de famille valent le coup d'oeil également. La caméra lèche littéralement la table, fourre son nez dans les assiettes et filme au ras des plateaux les énormes morceaux de barbaque que Papa et Maman Laemle engloutissent avec un appétit d'ogre. Toujours de la viande au menu. De la viande et encore de la viande. Mike touche à peine à son assiette. Il regarde ce qu'il y a dedans d'un air soupçonneux. "Eat your meat" ordonne le père, mais son fils n'est pas comme lui. Mike est, au fond, un étranger pour ses parents. Il ne se comporte pas comme eux, ne partage pas leurs valeurs et encore moins leurs "goûts" culinaires très particuliers.

Bob Balaban a été acteur avant de passer à la réalisation. Tout comme un certain Charles Laughton avant lui ( avec La Nuit du Chasseur ) il filme l'enfance aux prises avec des adultes monstrueux. Bien sûr Parents ne boxe pas dans la même catégorie que le chef d'oeuvre de Laughton mais tout de même, le film est formidable. C'est un véritable uppercut envoyé à la face de l' american way of life, au conformisme et à l'esprit essentiellement carnassier de l' Amérique. Ce mal qui rôde autour de l'enfant - figure de l'innocence portant tous les germes de la fantaisie et de la différence - provient toujours des adultes, cette race de dégénérés. Car pour devenir  réellement adulte au sein d'une société malade, pour y être accepté, il faut se laisser corrompre, abandonner l'enfant lumineux qu'on a en soi ( c'est à dire abandonner tout ce que l'on a d'unique ) pour devenir un monstre parmi tant d'autres. C'est à ça que l'éducation des parents travaille, en tout cas.






Bad Moon ( 1996) de Eric Red

Alors qu'il sont en pleine expédition au Népal, Ted Harrison et sa petite amie Marjorie, vont être sauvagement attaqués par un ...