mardi 1 août 2017

Parents ( 1989 ) de Bob Balaban


La caméra, très proche, remonte lentement le long d'une photo en noir et blanc où l'on aperçoit le visage d'un petit garçon à l'air rêveur, au regard lointain. L'accompagnement sonore est inquiétant, pour ne pas dire sinistre. L'image disparait en fondu, on nous laisse dans le noir deux secondes, puis boum le générique démarre ( c'est un mambo chaloupé ) et c'est le grand écart niveau ambiance. Le soleil et les couleurs pimpantes débarquent en force à l'écran. Voilà comment Balaban a décidé de lancer son film, d'une bien étrange façon. Mais pourquoi pas après tout ! Bien joué, Bob !

Quelque part en Amérique dans les années 50, la famille Laemle (Papa, Maman et le petit garçon qu'on vient juste de voir sur la photo) emménage dans une banlieue proprette. Toutes les maisons sont bien alignées. On est en plein dans l'american way of life avec son culte de la réussite sociale, de l'apparence et du positivisme niais. Une époque où l'on croyait que bonheur rimait avec consommation à tout va. Les parents sont radieux à l'idée d'entamer cette nouvelle étape de leurs vies. Mike ( leur petit garçon) assis sur la banquette arrière de la Oldsmobile familiale semble beaucoup moins enthousiaste.

Dressons un rapide portrait des parents. C'est le titre du film après tout.  Le père ( Randy Quaid est parfait dans le rôle ) , très sûr de lui, se comporte comme si le monde lui appartenait. Il porte des lunettes d'homme sérieux, il a des joues rondes qui lui donne un air trompeur de bonhommie. Arborant toujours un sourire pincé, il n'hésite pas à parler de choses étranges avec son fils, sur un ton si calme et enjôleur que cela en devient inquiétant. Un éclat de cynisme est la seule chose qui brille dans ce regard froid. Voilà le genre d'individu qui a l'air capable de vous écorcher vivant tout en gardant le sourire. Quant à la mère ( Mary Beth Hurt, très bien aussi ) , même si elle est un brin plus rassurante, elle n'en ressemble pas moins à une sorte de poupée humaine programmée pour être la parfaite femme au foyer made in USA. Elle porte de jolies robes, sourit tout le temps et sait faire de jolis gâteaux.

Le réalisateur nous expose par l'image, dès la première scène dans la nouvelle maison, ce que ressent l'enfant vis à vis de ses parents. Mike, filmé au premier plan et de profil, semble vouloir éviter du regard ses parents qui discutent au fond de la pièce, derrière lui. Il a un air de petit canard fragile pris au piège.

Très vite Parents nous offrira une fantastique vision d'un cauchemar que fait Mike, filmée d'une manière impressionnante de fluidité. Le montage du film est un modèle du genre aussi, enchaînant avec un sacré art de la transition inattendue des scènes étranges/inquiétantes, des scènes parfois drôles voire surréalistes et des visions cauchemardesques ( car oui, il y en a plusieurs). Soulignons l'importance également de la musique et des effets sonores. Que ce soit du mambo, de la chanson à crooner ou du rock'n'roll, la musique, collée sur ces images, de cette façon, contribue fortement à la création de cette atmosphère trouble et angoissante. Sur les scènes explicitement plus effrayantes, l'emploi d'effets sonores évoquant des souffles venus du fin fond des abysses, puis des voix semblant provenir d'un autre monde, sont remarquables d'efficacité.

Les repas de famille valent le coup d'oeil également. La caméra lèche littéralement la table, fourre son nez dans les assiettes et filme au ras des plateaux les énormes morceaux de barbaque que Papa et Maman Laemle engloutissent avec un appétit d'ogre. Toujours de la viande au menu. De la viande et encore de la viande. Mike touche à peine à son assiette. Il regarde ce qu'il y a dedans d'un air soupçonneux. "Eat your meat" ordonne le père, mais son fils n'est pas comme lui. Mike est, au fond, un étranger pour ses parents. Il ne se comporte pas comme eux, ne partage pas leurs valeurs et encore moins leurs "goûts" culinaires très particuliers.

Bob Balaban a été acteur avant de passer à la réalisation. Tout comme un certain Charles Laughton avant lui ( avec La Nuit du Chasseur ) il filme l'enfance aux prises avec des adultes monstrueux. Bien sûr Parents ne boxe pas dans la même catégorie que le chef d'oeuvre de Laughton mais tout de même, le film est formidable. C'est un véritable uppercut envoyé à la face de l' american way of life, au conformisme et à l'esprit essentiellement carnassier de l' Amérique. Ce mal qui rôde autour de l'enfant - figure de l'innocence portant tous les germes de la fantaisie et de la différence - provient toujours des adultes, cette race de dégénérés. Car pour devenir  réellement adulte au sein d'une société malade, pour y être accepté, il faut se laisser corrompre, abandonner l'enfant lumineux qu'on a en soi ( c'est à dire abandonner tout ce que l'on a d'unique ) pour devenir un monstre parmi tant d'autres. C'est à ça que l'éducation des parents travaille, en tout cas.






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