lundi 7 août 2017

The Collector ( 1965 ) de William Wyler


Freddie a minutieusement préparé son coup. Il vient d'acheter une maison isolée dans la country anglaise, et son regard, d'habitude terne, brille soudainement d'un éclat inquiétant lorsqu'il nous fait découvrir la cave. L 'endroit est parfait pour son plan.

Jusqu'alors petit employé de banque moqué par ses collègues ( ces derniers le raillent notamment au sujet de sa passion pour la chasse aux papillons ), Freddie vient de bénéficier d'un gros coup de pouce du Destin, qui lui apporte soudainement une grande aisance financière. Il n'a plus besoin de travailler désormais et va pouvoir se consacrer à ce qu'il désire le plus : attraper la femme de ses rêves! Les papillons, ça n'était qu'un début.

Miranda Grey, une jeune et jolie étudiante en art, est la malheureuse élue.

Remarquablement organisé, Freddie ( incarné par Terence Stamp) parviendra assez facilement à capturer son beau papillon humain. Miranda ( joué par l'excellente actrice Samantha Eggar ) s'imagine tout de suite que son ravisseur agit pour demander une rançon ou pire pour abuser d'elle sexuellement. Mais que nenni ! Freddie l'a certes kidnappée mais il compte bien se montrer respectueux et courtois  envers elle.

Son but ? "Lui apprendre à mieux le connaître" comme il dit,  en espérant qu'elle finira par l'aimer. Il se sent invisible, rejeté par les autres, et c'est pourquoi il agit ainsi, persuadé que c'est là la seule façon d ' avoir Miranda pour lui.

Saluons la formidable performance de Terence Stamp dans ce rôle. Avec son allure de premier communiant, un peu benêt, Freddie ne semble pas très inquiétant, au premier coup d'oeil. Les épaules rentrées,  ( pour exprimer le tiraillement dans lequel il se trouve) et la tête basse, il ressemble plus à un sbire, à un  serviteur tordu, plutôt qu'à un monstre terrifiant. Sauf que son regard d'enfant timide, d'habitude lointain et lourd, se met soudainement à lancer des éclairs de colère quand on contrarie un peu trop ses plans. Dans ces moments là, une lueur implacable y apparait.   

The Collector est un huis clos, une partition dans laquelle se répondent deux instruments aux sonorités complexes. Avec ses superbes arcades, la cave où Miranda est retenue prisonnière offre un décor gothique digne du repaire du Fantôme de l' Opéra.

Par moments, on pourrait presque entendre les voix qui murmurent dans la tête de Freddie. Ce sont elles qui le rendent si prévoyant, si difficile à tromper, mais, revers de la médaille, ce sont également elles qui alimentent sa folie, parce qu'elles déforment systématiquement la réalité toujours dans le sens qui l'arrange le plus. C'est pourquoi le spectateur n'a pas fini de faire le tour de ce personnage fascinant. Bien qu'enfouie sous un épais vernis d'affabilité et de bonnes manières, sa rage envers les autres est bien là, comme un arbre maléfique, puissant et profondément enraciné dans son coeur. Derrière ses airs de garçon propre sur lui, Freddie est un adorateur ( qui s'ignore ) de la Mort. C'est aussi un manipulateur hors pair.

Miranda est son exact opposé. Elle est pleine de vie. Tout le monde l'aime. Sa sensibilité artistique lui permet d'accéder à un monde de beauté totalement hors d'atteinte pour Freddie. Il est intéressant de voir jusqu'où Miranda est capable d'aller pour survivre. Elle aussi se doit de jouer la carte de la ruse et de la manipulation. Et elle le fait avec une telle subtilité, de manière si ambigüe, qu'il nous arrive parfois de douter. Serait-elle en train de nous faire un syndrome de Stockholm? Commencerait-elle à éprouver un soupçon d'attachement pour son ravisseur? Son comportement trouble Freddie et le spectateur. Peut être n'est-elle qu'une très bonne comédienne, allez savoir... Mais dans l'ensemble, on la plaint d'être tombée entre les mains d'un monstre aussi insaisissable.

William Wyler a, en 1965 ( époque où sa carrière touche presque à sa fin ) une richissime filmographie derrière lui. On lui doit notamment La Lettre ( 1940) et La Vipère ( 1941) deux très bons films avec Bette Davis. Wyler aura touché à tous les genre avec succès (western, polar, comédie, drame, péplum etc...). C'est après avoir été aux manettes du titanesque Ben-Hur ( 1959 ) qu' il s'est tourné vers des projets plus petits mais passionnants comme La Rumeur ( 1961 ) et donc notre Obsédé  (horrible titre en français de The Collector ). Grand bien lui en a pris ! Le style visuel est superbe avec un Technicolor que n'aurait pas renié la Hammer. La réalisation, bien que très soignée, ne dévie jamais notre attention de ce qui compte vraiment : les personnages.

Tout le long du film ces deux là vont négocier, jouer la comédie, se manipuler l'un l'autre, et lutter, chacun avec ses armes. Les masques tomberont un à un. Pour nous laisser, une fois le rideau tombé, décontenancés mais ravis.





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