samedi 29 juillet 2017

The Killing Kind ( 1973 ) de Curtis Harrington



Au mauvais endroit, avec les mauvaises personnes, Terry se retrouve forcé à participer à un viol collectif. On ne prendra en compte aucune circonstance atténuante à son égard. La sentence sera terrible : il devra passer deux ans à l'ombre. Condamné par une juge, après avoir été, selon lui, mal défendu par son avocate, Terry sort de prison plein de haine et de dégoût envers la gent féminine.

Ce qui ne l'empêche pas de retourner vivre chez sa mère. Détail qui a son importance, le jeune homme appelle sa mère par son prénom ( Thelma), étant apparemment réfractaire à l'idée de l' appeler Maman. Thelma était autrefois une croqueuse d'hommes mais l'âge d'or de son existence est passé depuis longtemps : ce n'est désormais plus qu'une femme seule, grassouillette, qui vit au milieu de ses chats. Autant dire que le retour de son fils est une véritable bouffée d'oxygène pour elle. 

Thelma gagne sa croûte en louant des chambres, principalement à des vieilles dames. Les mamies tombent toutes sous le charme de Terry, ce si "gentil garçon". Toutes se font facilement bernées par l'apparence angélique de ce beau gosse qui ressemble à Mike Brant. 

Tout de suite on sent que cette relation mère/fils est suspecte. Thelma infantilise Terry, elle est trop tactile avec lui, et le regarde avec trop d'adoration. Elle aime le prendre en photo, par surprise, sous la douche. Bref, tout cela est trouble et perturbant. Quant à lui, il attrape sa mère par la taille et se colle contre elle un peu trop. Tous deux jouent comme des enfants, s'embrassent sur la bouche. Cela pourrait paraitre innocent mais non. Pas avec eux, en tout cas.

Puis arrive une nouvelle locataire, une fraîche et jolie jeune femme. La mère en est immédiatement jalouse. Cette fille a tout ce que Thelma n'a plus : jeunesse et beauté. Et puis cette "garce" serait bien capable de séduire Terry, de lui voler son petit. Alors Thelma surveille ça de près.

Au cours d'un jeu de séduction, en apparence charmant et inoffensif, entre la jeune femme et Terry, la chose se gâte très brutalement. La vraie personnalité du garçon surgit en un claquement de doigt. Il est là pour se venger des femmes et rien d'autre. 

Seule une voisine, ( une bibliothécaire à lunettes et un peu coincée) semble un tant soit peu deviner ce qui se passe sous le crâne de Terry. Elle en est capable parce qu'elle a un grain, elle aussi. Ce personnage de la bibliothécaire est intéressant car on la sent extrêmement tiraillée entre  ses pulsions sexuelles et ses inhibitions (qui cherchent à la maintenir sur les rails des convenances sociales et morales). Chez elle, la frustration, la solitude et l'ennui sont palpables. Il lui suffit de boire un peu d'alcool pour faire sauter tous les garde-fous de son esprit. Et là, on sent bien qu'un début d'hystérie germe, lentement mais sûrement, dans sa tête.

Malgré un climax prévisible car inéluctable - le film s'intitule The Killing Kind quoi ! - Curtis Harrington réussit patiemment, par petites touches, à mener un joli crescendo de tension dans son film, qui fait que  l'attention du spectateur est captée de bout en bout. Tout cela est, en grande partie, dû à l'extrême ambigüité de cette relation mère/fils, détraquée certes, mais néanmoins capable de générer son lot de scènes émouvantes.

Car, à chaque fois que Thelma et Terry se parlent, ils marchent sur des oeufs, ils dansent sur un fil, à cause de la maladie mentale de Terry, susceptible d'exploser à tout moment. C'est ce qui créé si efficacement le sentiment d'angoisse qui parcourt tout le film. L'harmonie d'un joli moment, si fragile, qu'on craint de voir tourner au vinaigre, voire virer au cauchemar, d'une seconde à l'autre. Tout cela renforcé visuellement par le style âpre du cinéma des années 70. 

Le fait que la mère évoque, à de nombreuses reprises, l'enfance de son fils ( c'est un véritable bombardement de souvenirs, par moments) permet au spectateur de voir le personnage sous un autre angle : Terry n'a pas toujours été comme ça. Il a été ( presque) innocent, doux et inoffensif. C'est ce qui lui est arrivé dans sa vie qui l'a rendu fou et violent. Cela peut paraître une évidence mais le film a le mérite de nous rappeler subtilement cette vérité. Car on oublie si facilement ces choses là. Un mauvais film ne nous aurait pas donné la possibilité d'éprouver autant d'empathie pour son "bad guy".

Pour finir, il est important de souligner à quel point la fin est une petite merveille. L'un des deux personnages principaux s'y révèle très surprenant ( en bien? en mal? Comment en être sûr?). Thelma et Terry nous offre, dans le dernier soupir du film, un moment de grâce, à la fois tragique et d'une infinie tendresse.

mardi 25 juillet 2017

Dust Devil ( 1992) de Richard Stanley


Indéniablement, nous voilà en présence d'un film surprenant et ô combien original. Surprenant déjà par son lieu de tournage : la Namibie. C'est pas tous les jours, faut avouer ! 

Dès la scène d'ouverture, une atmosphère mystique et poétique s'installe. Une voix off nous explique en quelques phrases ce qu'est le dust devil : un esprit errant et maléfique. La légende dit que cet esprit était un homme autrefois et que, enclin aux passions humaines, il souffle de colère dans le désert.

Après cette introduction des plus efficaces arrive le générique où l'on voit un étrange personnage au bord de la route, sapé comme un cow-boy. Il sort de sa poche une montre à gousset dont les aiguilles tournent à toute vitesse. Le ton est donné. L'homme attend qu'une voiture passe.

Mise en scène, cadrage et musique font furieusement penser à un western. Le mystérieux personnage a même des faux airs de Clint Eastwood. Niveau musique, on sent qu' Ennio Morricone en a inspiré plus d'un.

Impressionnante la façon qu'a le film de présenter, en quelques secondes, ses influences principales. On sent la générosité et la sincérité qui a animé le projet. Dans ces cas-là, on est conquis ( presque ) d'avance.

Alors, qu'en est-il du pitch ? Il est assez simple : une jeune femme sud-africaine décide de quitter le nid conjugal après avoir reçu la tarte de trop de la part de son mari, un brin violent quand il est jaloux. La malheureuse s'enfuit en voiture, passe la frontière namibienne et prend en stop le fameux cow-boy eastwoodien.

En parallèle le film s'intéresse à un autre personnage : Ben Mukurob. Il s'agit d'un policier namibien exerçant son métier dans un trou perdu qui s'appelle Bethany. Des meurtres avec rituel ( victimes découpées en morceaux, étranges inscriptions écrites sur les murs avec leur sang etc...) ont lieu dans son secteur et Mukurob mène l'enquête. N'ayant aucune piste solide, le policier se tourne vers un shaman pour l'aider à déchiffrer les inscriptions.

Le personnage du flic est très intéressant. Il lui est reproché ( par le shaman ) de penser comme un homme blanc, c'est à dire d'être cartésien, alors que les rêves qu'il fait cherchent sans cesse à lui faire passer un message. Par l'intermédiaire de Ben Mukurob, Dust Devil a un lien de parenté avec le très beau film de Peter Weir, The Last Wave ( 1977 ), où là aussi le rêve a une dimension de révélateur, de trait d'union entre le monde "réel" et le monde des esprits.

Rongé par la culpabilité ( son fils est mort "à cause de lui", selon sa femme) et la solitude ( sa femme l'a quitté, du coup), Mukurob reste dans cette ville moribonde de Bethany, où le train passe mais où personne ne descend. C'est une ville qu'on quitte. N'espérant plus rien de bon de la vie, Mukurob attend néanmoins quelque chose. Son seul but sera d'aller au bout de son enquête.

Un contexte historique et social apparait par moment dans le film. J'ignorais que l'Afrique du Sud avait envahie la Namibie par le passé. De ce fait, on sent des relents d'apartheid subsister.

En ce qui concerne la réalisation, il y a de très belles choses : des cadrages originaux et des compositions recherchées au niveau de la photo. L'effort artistique pour créer une belle atmosphère est indéniable. Parfois Richard Stanley en fait un peu trop ( je pense à une scène vers la fin, pas très justifiée ni compréhensible, qui semble n'être là que parce qu'elle en jette visuellement). Mais bon, on lui pardonnera bien volontiers, étant donné que le film a bon nombre d'atouts. Outre sa mise en scène inspirée et sa musique envoûtante, Dust Devil bénéficie également des beaux décors fourni par le désert namibien. Autre point fort : son bad guy, à la fois original et charismatique. D'ailleurs, tous les personnages importants sont bien écrits et interprétés ( la femme en cavale, le flic torturé, le mari délaissé et pathétique jusqu'au bout dans sa tentative de ramener sa chère épouse à la maison).

En résumé, Dust Devil est un film riche qui mérite d'être vu et revu.



 





samedi 22 juillet 2017

Children of the Damned ( 1964 ) d' Anton Leader


On pense tout de suite au Village of the Damned de 1960 avec George Sanders. Forcément, avec un titre pareil ! Après tout, Children of the Damned reprend telle quelle l'idée de l'enfant froid, silencieux et inexpressif, doté d'une intelligence supérieure et d'une paire d'yeux qui brillent quand il use de ses pouvoirs. On a déjà  vu ça quelque part. Seulement voilà, Children... ne semble pas être une suite à Village. C'est un film qui réussit, assez facilement, à se démarquer de son prédécesseur.

C'est l'histoire de deux amis, l'un psychologue, l'autre généticien, qui, au cours de tests d'intelligence qu'ils font passer à des enfants, tombent sur un cas exceptionnel : le petit Paul Loran affole les compteurs avec son QI stratosphérique.

L'intro du film est un modèle du genre, tant elle nous met rapidement dans le bain. En un mouvement de caméra la base est posée. Les deux scientifiques vont rapidement découvrir que cinq autres enfants ( aux QI exactement identiques à celui de Paul) ont été signalés à travers le monde. Une sorte de haut fonctionnaire de l'Unesco prend l'initiative d'inviter les enfants à Londres afin de les "étudier". Mais les choses vont se passer différemment.

Qui sont ces enfants ? Tous ont une mère mais pas de père. Très vite celle de Paul lui avoue qu'elle le hait. Contrairement à Village..., Children of the Damned laisse planer le doute sur l'origine des gamins. Plusieurs fois les personnages répondent " je ne sais pas" aux questions qu'on leur pose. Et cette absence de réponses contribue au climat d'étrangeté qui parcourt cette oeuvre assez audacieuse et plus subtile qu'il n'y parait.

On y voit les principales puissances mondiales ( USA, Chine, Inde, Europe...) s'efforcer de garder jalousement leur petit prodige afin d'en exploiter le potentiel à des fins belliqueuses de domination du monde.

Le contraste adultes/enfants est, à ce titre, saisissant. Là où les adultes apparaissent divisés, largués, ne pensant qu'aux intérêts de leurs différents pays, les enfants cherchent à s'unir pour être plus forts.  Sans dire un mot, ils savent. Comme s'ils avaient un million d'années d'avance sur les adultes.

Politiciens, militaires et même scientifiques passent pour des imbéciles à côté des enfants. Bien que n'exprimant aucune agressivité envers les hommes ( en tout cas tant qu'on leur fiche la paix ) ces derniers seront vite considérés comme des ennemis. Comme toujours, l'homme est terrifié par l'inconnu, par ce qu'il ne peut appréhender et contrôler. La peur le pousse à détruire ce qu'il ne comprend pas.

La conclusion du film est, de ce point de vue, glaçante. Le malentendu, la panique, l'accidentel, tout ridicules qu'ils semblent être, viennent jouer un rôle décisif dans le dénouement. Car même le destin des êtres supérieurs peut se décider parfois sur une bagatelle.

Niveau réalisation, Anton Leader fait le job efficacement, sans chercher la fulgurance. On sent l'influence de films comme The Quatermass Experiment (1955). Le savoir faire anglais est là dans cette mise en scène toute en efficacité et entièrement au service du récit.

L'amitié entre les deux scientifiques, toute teintée d'humour et de flegme britannique ( ce qui offre de savoureux moments de comédie dans la première moitié du film) évoluera vers une relation beaucoup plus tendue entre les deux hommes, par la suite. Ce qui rend les personnages intéressants du début à la fin. Quant au jeune acteur qui joue Paul, il réussit à rendre son personnage particulièrement inquiétant.

En résumé, Children of the Damned est un film qui, mine de rien, pose des questions intéressantes, et ce, avec une certaine subtilité. Sorti quatre ans après Village...on pouvait craindre qu'il s'agisse d'une oeuvre opportuniste, cherchant juste à profiter du filon. Il n'en est rien. Le film a son identité et son ambition thématique. Que demander de plus ?



 

vendredi 21 juillet 2017

Link ( 1986 ) de Richard Franklin





Pitch :  Jane Chase, jeune étudiante en zoologie, a trouvé un job pour l'été chez le Docteur Steven Phillip, célèbre anthropologue. Elle est reçue par Link, le maître d'hôtel, qui n'est autre qu'un orang-outan. Dans la maison, deux autres pensionnaires : Vaudoo, une femelle chimpanzé et son fils Imp, un bébé attendrissant et affectueux. Après une conversation téléphonique, le Docteur Phillip décide de se débarrasser du vieux singe Link, malheureusement pour lui, le primate a tout entendu et à décider de ne pas se laisser faire...

Portant le nom de son personnage principal ( c'est à dire un orang-outan psychopathe !) ce film fait, étrangement, à la fois sourire et frissonner de peur.  Sourire d'abord car les singes présents dans Link apportent tout naturellement leur lot de scènes amusantes. Le film utilise cet atout jusqu'au bout et compte, avec la musique de Jerry Goldsmith - omniprésente du début à la fin - sur un allié de poids, parfaitement adapté au ton emprunté. Tout du long, les thèmes musicaux se répètent, même au moment où le film cesse d'être amusant pour devenir beaucoup plus inquiétant. Ce qui a pour conséquence de créer un effet décalé des plus bizarroïdes.

Niveau casting, Elisabeth Shue (parfaite dans le rôle de l'assistante) et Terence Stamp ( crédible dans la peau d'un scientifique en avance sur son temps mais un brin farfelu et asocial) il n'y a rien à redire. 

Mais, comme je l'ai dit tout au début, le vrai "héros" du film c'est l'orang-outan. Le choix du nom est déjà, selon moi, riche de sens. Link incarne le lien entre l'intelligence humaine et l'intelligence animale. Le personnage de Terence Stamp a beau nous dire que "l'homme n'a pas le monopole de la guerre et du meurtre", que les singes en sont naturellement capables eux aussi, on ne peut s'empêcher de penser que Link ne devient un fou sanguinaire que parce qu'il a atteint le niveau de l'intelligence humaine.  Il y parvient grâce à l'entraînement et aux expériences que lui a fait subir son maître humain. Link aime porter des vêtements ; il craque une allumette et s'allume un cigare. Bref, il "singe" l'homme.

Ceci fait de lui un drôle de bad guy ou plutôt un bad bug comme il est dit dans le film. Car, après tout, l'orang-outan ne fait que lutter pour sa survie. Son intelligence acquise lui permet d'avoir conscience des dangers qui le menacent. Les problèmes qui se posent à lui, Link s'en débarrasse comme il peut. Tout comme l'homme, il a du mal à distinguer clairement le bien du mal, quand 
sa survie est en jeu.

Pour ce qui est de la réalisation de Richard Franklin, à part deux/trois effets qui font mouche, elle est compétente sans jamais être virtuose. C'est un réalisateur très clairement sous influence hitchcockienne - le bonhomme a osé une (très bonne) suite à Psychose et son Roadgames de 1981 ( excellent) déborde de suspense à la Hitch. Dans Link, le clin d'oeil aux Oiseaux apparaît évident, dans une scène en particulier.

Mention spéciale aux dressage des animaux. Comme dans le Monkey Shines  de Romero, les singes sont géniaux, que ce soit au niveau de leur gestuelle ou des expressions arborées.

Pour conclure, je dirais que le film, bien qu'un peu bancal, est tout à fait recommandable. Son idée de base fait penser à un autre film beaucoup plus récent : la Planète des Singes Origines.


















Bad Moon ( 1996) de Eric Red

Alors qu'il sont en pleine expédition au Népal, Ted Harrison et sa petite amie Marjorie, vont être sauvagement attaqués par un ...