samedi 23 septembre 2017

The Devil Rides Out ( 1968 ) de Terence Fisher






Méconnu, The Devil Rides Out ? Certainement pas à cause de son réalisateur et interprète principal ! Cela fait dix ans que ces deux-là surfent sur le succès de Horror of Dracula. Même si le film n'est pas inconnu des hammerophiles, il est tout de même loin d'être le premier titre qui vient à l'esprit lorsqu'on parle de la légendaire société de production anglaise. Et pourtant je pense que The Devil Rides Out - Les Vierges de Satan en français, hum-hum... j'ai un chat dans la gorge tout à coup - est l'un des tout meilleurs films de la Hammer. Tout simplement parce qu'il a beaucoup de qualités et peu de défauts !

S'appuyant sur une histoire simple mais captivante ( les évènement se déroulent sur très peu de temps ce qui confère une certaine dynamique) et sur une diversité dans les scènes d'action ( et vas-y que je te met de la course poursuite, et vas-y qu'il y a de la baston, avec notre Christopher Lee qui balance du gnon en gardant toute sa classe d'aristo british !) le film ne présente aucun temps mort.

Alors qu'à cette époque Christopher Lee incarne le mal absolu, le pari de lui donner un rôle de good guy est plutôt audacieux. Et c'est un pari gagné ! Lee réussit à se glisser avec une grande aisance dans la peau du Duc de Richleau, homme courageux et bon, en plus d'être un expert en sorcellerie. Flanqué de son ami Rex, le duc va s'efforcer de sauver un autre de ses amis tombé dans les griffes d'une secte satanique. Comme sidekick Rex est un peu énervant car il a toujours plusieurs trains de retard sur son ami le Duc. On comprend vite comment fonctionne le duo : Richleau est le cerveau et Rex les muscles.

Le  méchant du film, Mocata, est fascinant. Pour accomplir ses noirs desseins, il procède presque toujours à distance, en utilisant ses maléfices. Autant dire que, même s'il est à l'origine du mal, Mocata ne compte pas prendre de risque, considérant que sa vie est trop précieuse pour cela. Ce serviteur n°1 du Malin se révèle finalement assez faible lorsqu'il faut en venir aux mains. C'est par le savoir et la volonté, et non pas par la force, qu'il est extrêmement dangereux. Je trouve l'idée intelligente et pertinente. Ceux qui pensent et organisent le mal sous-traitent, ils ne se mouillent jamais ou pas trop, au final...

Lors d'un entretien avec la nièce du Duc de Richleau ( chez qui nos héros ont établi leurs quartiers pour combattre Mocata) le gourou explique que pour lui il n'y a pas de bien et de mal en sorcellerie. Elle n'est qu'un moyen d'imposer sa volonté aux autres. Et sur ce, finie la courtoisie et le ton mielleux, il passe à l'attaque sans lever le petit doigt. Saluons la prestation de Charles Gray, charismatique et angoissant à souhait dans la peau de Mocata. La scène est superbe !

The Devil Rides Out est un film de sorcellerie un minimum documenté - j'y ai découvert ce qu'est le Bouc de Mendès, par exemple. Filez sur Wikipédia pour ceux que ça intéresse ! - et cela prouve, je crois, tout l'intérêt réel pour les sciences occultes qui est à la base du projet.

En ce sens le film se rapproche du chef d'oeuvre de Jacques Tourneur, Curse of the Demon ( Rendez-vous avec la peur, titre français). Dans les deux cas on y trouve des personnages cartésiens, qui nient l'existence de la sorcellerie et qui se moquent de ceux qui y croient.  Or, dans l'un comme dans l'autre, on nous fait comprendre que ces gens qui refusent de croire, qui se targuent d'être des hommes de logique et de science, sont à côté de la plaque. Les deux réalisateurs - Tourneur c'est sûr y croyait, Fisher peut-être, du moins semblait-il y porter de l'intérêt - ont choisi de parler de la sorcellerie comme d'une évidence.  Bien sûr qu'elle existe ! On ne peut pas tout appréhender et interpréter à travers le prisme de la logique, trop de choses lui échappent. Pour finir, les deux films présentent des personnages de méchants en apparence inoffensifs mais qui se révèlent terribles par leur savoir.

Dernière qualité et non des moindres, le film est beau visuellement, qualité Hammer oblige ! Les couleurs chatoyantes du Technicolor font encore une fois merveille. La dernière demi heure est particulièrement agréable à l'oeil et riche d'une délicieuse tension. 

Et les défauts alors ? Une conclusion pas assez clairement amenée qui nous laisse un peu perplexe jusqu'à ce que le Duc de Richleau nous l'explique himself. Le choix des titres ( anglais et français) me laisse dubitatif aussi, pour différentes raisons que je n'exposerai pas, pour ne pas spoiler. Si cela ne tenait qu'à moi, j'aurais intitulé le film "Don't look at Him !" car le danger est dans les yeux de Mocata et sur le visage d'un mystérieux cavalier. 

Mais, bien sûr, le spectateur ne devrait pas obéir à ce titre : il faut voir le superbe film qu'est The Devil Rides Out !

lundi 18 septembre 2017

L' Enfant Miroir ( 1990 ) de Philip Ridley



Pour la dixième Chronique Creepy, j'avais envie de marquer le coup en vous parlant d'un film que j'adore. The Reflecting Skin ( titre original ) est le genre d'oeuvre aussi rare que précieuse. Et rare dans le cinéma, Philip Ridley l'est ( 3 films en 19 ans !). L'homme fait du cinéma parmi tant d'autres choses qui lui permettent de s'exprimer ; il est aussi auteur de pièces de théâtre et poète, à ce que je sais. Autant dire que Ridley est un artiste au sens large du terme avant tout, et qu'il ne se lance dans le cinéma que lorsqu'il a réellement quelque chose à dire. Chacun de ses projets de films a été méticuleusement préparé.

Ne tournons pas autour du pot : L'Enfant Miroir (premier film de Ridley) est un chef d'oeuvre.  Ce qui en fait quelque chose de difficile à appréhender et à  résumer. Allons-y gaiement, tout de même!

Dans un trou paumé de l'Idaho, dans les années 50, la famille Dove ( rien à voir avec le savon, bien au contraire !) tient une pompe à essence au bord d'une route où passe, en moyenne, deux bagnoles par an. Le père, homme effacé et fragile, se fait traiter comme du poisson pourri par sa femme dès qu'il met un pied dans la maison, parce qu'il pue l'essence. Quant à la mère, bien que semblant être l'élément fort du couple, elle ressemble à une housewive au bord de la crise de nerfs. Elle en veut à son mari qui, d'après elle, lui a fait rater sa vie.  Autant elle maltraite son pauvre bougre de mari, autant elle met sur un piédestal son fils ainé, Cameron ( joué par un Viggo Mortensen à ses débuts mais déjà charismatique ), qui est sur le point de rentrer à la maison,  après avoir servi dans l'armée, dans le Pacifique. Pour compléter cette présentation de personnages, il y a Seth, 9 ans, leur deuxième fils. C'est lui le centre de l'histoire. Les premières minutes nous le montrent en train de faire des conneries avec ses copains, Eben et Kim. Les mômes aiment bousiller des trucs et faire exploser des crapauds : emmerder les voisins quoi ! On se croirait dans les 400 Coups, version Amérique profonde.

La victime préférée du turbulent Seth est une veuve qui habite pas très loin des Dove, une jeune femme anglaise venue s'installer dans la maison familiale de son époux. Mais le malheur a frappé à sa porte. Une semaine après leur mariage, son beau mari se pend. Depuis elle vit là, comme perdue dans le décor, semblant vieillir à vue d'oeil. Après une discussion avec son père - grand amateur de romans de gare - Seth se met en tête que sa voisine est un vampire, rien que ça !

Puis Eben, un des amis de Seth, disparaît. On le retrouvera mort quelques temps plus tard, en train de flotter dans le puits des Dove. La police accusera à tort le pauvre Mr Dove. Cet homme fragile ne le supportera pas. Seth assiste à la scène sans rien faire, sans rien dire. Tout comme il ne dit rien lorsqu'il voit passer, à de multiples reprises, une voiture noire pleine de mecs louches à son bord. Ceux-là sillonnent la région comme des ogres en vadrouille. Des ogres apparemment invisibles pour tous, sauf pour Seth.

 
Vous l'aurez compris, L'Enfant Miroir est un film-univers, qui fourmille d'idées. C'est une oeuvre qui nous représente le Monde, la vie, à travers les yeux d'un enfant, innocent oui, mais pas tant que ça. Le coeur du film est dans son titre. Je vous laisse découvrir avec Cameron ( c'est à dire Viggo Mortensen ) ce qu'est un enfant miroir. Comme le dit si bien Dolphin ( la veuve anglaise) à Seth : "L'enfance est une traversée bien difficile".

Même si la première qualité de L'Enfant Miroir est d'être un film extrêmement bien écrit, n'oublions pas de saluer la réalisation ample de Philip Ridley, bien aidée par une musique au souffle romanesque. On est parfois pas loin du style d'un Terrence Malick, notamment dans cette fascination à filmer la nature environnante.

Pour finir, précisons que Philip Ridley a réalisé deux autres films après The Reflecting Skin : Darkly Noon  ( toujours avec Viggo) et Heartless. Deux films que je vous recommande vivement et qui auront probablement droit à leur Chronique Creepy un jour.

Ceux qui auront l'envie, la curiosité, de se plonger dans ce très beau film, ne regretteront pas leur voyage. Foi de Général !


 

lundi 11 septembre 2017

La Nuit des Diables ( 1972 ) de Giorgio Ferroni



Les Wurdalaks, nouvelle écrite par Tolstoï, aura eu la chance d'être bien adaptée à deux reprises au cinéma. Tout d'abord dans les Trois Visages de la Peur, l'un des chefs d'oeuvre de Mario Bava ( dans son segment du milieu). Puis, donc, dans le film qui nous intéresse aujourd'hui : La Nuit des Diables. La comparaison n'est pas à l'avantage de ce dernier ( même si le film de Ferroni a le mérite de développer davantage l'histoire) tant le Bava place la barre très haut visuellement parlant. Mais notre Giorgio s'en tire tout de même très bien !

On peut se dire que Bava a eu raison d'opter pour un format assez court, avec un récit plus condensé, car La Nuit des Diables ( qui fait 1H40) contient quelques temps morts. Rien de grave, néanmoins, étant donné que le dernier tiers du film compense haut la main tous ces petits défauts, notamment grâce à sa capacité à dégager une véritable atmosphère de cauchemar. J'ai trouvé ça diablement réussi, pour le coup. 

Au final, je n'ai pu m'empêcher de me poser cette question : et si le film avait été tourné de nos jours, quel aurait été le résultat ? Probablement trouverait-on un cinéaste capable de davantage développer les différents personnages. De même serait-il possible d'installer une ambiance plus lancinante dans les deux premiers tiers du film. Possible. Mais, nos cinéastes actuels auraient-ils conclu le film aussi bien que notre bon vieux Giorgio ? Pas sûr du tout. Ferroni n'a pas la maestria de Bava. Trop rares sont les moments où il se permet de véritables audaces de réalisation. Mais bon, c'est un artisan compétent, capable, à un moment donné, d'une fulgurance. Et ça tombe bien parce que l'inspiration lui est venue au bon moment dans La Nuit des Diables. Jugée sur son dernier tiers, on se dit que le cinéma actuel aurait bien du mal à reproduire une oeuvre pareille.



Visuellement parlant, le cinéma italien nous a habitués à plus de générosité. Là encore c'est du sous Bava, mais c'est déjà pas si mal!

Rien à dire sur les acteurs ( tous moyens/pas mal sans plus) sauf au sujet de la gamine qui joue Irina ( la petite sur la photo ci-dessus, vous l'aurez compris) que j'ai trouvée vraiment très bien 

L'histoire ? Ah bah oui, ça serait pas mal d'en parler un peu ! Nous sommes en Europe de l'Est. Un jeune homme (Nicola) est en train de traverser une forêt en voiture. Après avoir cru apercevoir une silhouette au bord de la route, Nicola fait une embardée et se plante dans le décor. La voiture, trop amochée, ne repart pas. Il part à pied pour demander de l'aide et tombe sur cette famille de paysans étranges. Ces derniers viennent juste d'enterrer le frère du chef de famille. Rapidement on apprend que le mort est décédé depuis un mois et que tout ce malheur est dû au fait qu'il fricotait avec une sorcière. Nicola, homme civilisé du XXème siècle, ne peut croire aux légendes et superstitions encore en vigueur dans ce lieu oublié par l'ère moderne. En attendant, tout le monde dans le coin est parti, sauf cette famille ! Ces gens, une fois la nuit venue, se barricadent chez eux. Pas question de mettre le nez dehors !

On est tout près de la lumière rassurante des villes mais pourtant ici le vieux monde, sauvage et ténébreux, subsiste toujours. Ce thème a inspiré beaucoup de monde par le passé.

Les wurdalaks cherchent la compagnie de ceux qu'ils ont connus et aimés de leur vivant. Ce sont des âmes en peine, torturées par la solitude. Cet aspect qu'ils présentent les rend par moments touchants. Ce sont des vampires à la sauce slave, parfois un peu amorphes et zombifiés, mais pas toujours ! Filmés parfois en léger accéléré ( pour accentuer l'effet de mouvement surnaturel) ces wurdalaks nous font penser au Bal des Vampires de Polanski qui, déjà, utilisait ce procédé.

Je précise qu'il était fort amusant pour moi de voir un film italien, doublé en anglais, avec des voix s'efforçant de prendre l'accent slave ! 

Pour conclure, je ne peux m'empêcher d'apporter un léger bémol, juste pour chipoter ! La fin fait son petit effet grâce à un gros malentendu entre deux des personnages, or le comportement tout à fait illogique et inquiétant de l'un des deux induit naturellement l'autre en erreur. Pourquoi agir ainsi ? Le film ne l'explique pas du tout.  Mais ne boudons pas notre plaisir ! La Nuit des Diables procure bien assez de plaisir au spectateur et s'imprime durablement dans son esprit. C'est souvent à cela qu'on reconnait un bon film.

 

vendredi 1 septembre 2017

The Baby ( 1973 ) de Ted Post


Il n'a même pas de prénom. On l'appelle juste Baby, et on le traite comme tel. Sauf qu'il y a un petit problème : Baby doit être trentenaire ! 

Pour apprécier ce film, il faut d'abord accepter son idée de base très (mais alors très) audacieuse. La chose semble tellement absurde qu'on frôle, à plusieurs reprises, le ridicule. Mais on est dans les années 70, diantre! Une époque où le cinéma osait tout et avait des balls. Donc allons-y gaiement !

Baby vit avec sa mère et ses deux demi-soeurs ( en gros, la maman s'est fait larguée trois fois, ce qui peut se comprendre quand on la connait un peu !). La Mamma est un dragon tyrannique qui tient le foyer familial d'une main de fer. Elle est l'exemple même de la castratrice pur jus ! Quant au deux soeurs, ce sont de bien belles sorcières, vicieuses et sadiques. Pas de bol, Baby !

Toutes les trois ont leurs ( mauvaises) raisons d'empêcher Baby de grandir. La mère voue une haine sans limite envers les hommes, ayant été "abandonnée" plusieurs fois. C'est pour ça qu'elle ne veut pas que Baby grandisse, pour ne pas qu'il devienne un homme, c'est à dire de la vermine, si l'on en croit le point de vue maternel !


Et puis avoir son "bébé" à la maison, ça lui donne une raison de vivre à la Môman. On devine le vide existentiel ( que dis-je le gouffre ! ) qui apparaîtrait béant si jamais Baby lui était enlevé. Les frangines ont elles aussi leurs motifs ( bien dégueulasses ) de cautionner la situation. Les trois femmes déclarent, comme un seul homme, que Baby est un attardé mental, qu'elles doivent donc s'en occuper et le "protéger". Pour son propre bien (hum hum) rien ne doit changer, disent-elles.

Alors, forcément, le jour où se pointe une assistante sociale qui s'intéresse d'un peu trop près à Baby, la petite famille n'aime pas trop ça. C'est vrai qu'elle est énervante cette fille toujours souriante et bienveillante, qui veut aider Baby à grandir !

Une seule fois le masque, tout en sourires, tombe. Quand on lui parle de son mari ( on ne sait pas ce qui lui est arrivé à celui-là) l'assistante sociale à la bonne âme se retrouve les yeux dans le vide, elle ne sourit plus. Elle a l'air de ne pas s'en remettre. La preuve, elle vit avec sa belle-mère ! C'est louche, non ?!


Vous l'aurez compris, ce qui rend The Baby intéressant ce sont ses personnages et son scénario. Ted Post est un réalisateur compétent sans être un virtuose de la mise en scène. Il a travaillé notamment sur Rawhide, la série qui a révélé Clint Eastwood, et réalisé Pendez-les haut et court, toujours avec Clint. Son style est sec et efficace. Seul le final du film ( superbe ) se pare d'atours troubles et cauchemardesques.

David Manzy réalise une sacrée performance en incarnant ce grand bébé. L'exercice était ô combien périlleux pourtant ! Que dire de plus si ce n'est que les actrices ont vraiment la gueule de l'emploi. La mère est flippante et les filles ultra crédibles en folles à lier.

En ce qui concerne la conclusion du film, je n'aurai qu'une chose à dire : ah comme il est bon de savoir qu'on trouve toujours plus tordu et plus monstrueux que soi !




Bad Moon ( 1996) de Eric Red

Alors qu'il sont en pleine expédition au Népal, Ted Harrison et sa petite amie Marjorie, vont être sauvagement attaqués par un ...