Pour la dixième Chronique Creepy, j'avais envie de marquer le coup en vous parlant d'un film que j'adore. The Reflecting Skin ( titre original ) est le genre d'oeuvre aussi rare que précieuse. Et rare dans le cinéma, Philip Ridley l'est ( 3 films en 19 ans !). L'homme fait du cinéma parmi tant d'autres choses qui lui permettent de s'exprimer ; il est aussi auteur de pièces de théâtre et poète, à ce que je sais. Autant dire que Ridley est un artiste au sens large du terme avant tout, et qu'il ne se lance dans le cinéma que lorsqu'il a réellement quelque chose à dire. Chacun de ses projets de films a été méticuleusement préparé.
Ne tournons pas autour du pot : L'Enfant Miroir (premier film de Ridley) est un chef d'oeuvre. Ce qui en fait quelque chose de difficile à appréhender et à résumer. Allons-y gaiement, tout de même!
Dans un trou paumé de l'Idaho, dans les années 50, la famille Dove ( rien à voir avec le savon, bien au contraire !) tient une pompe à essence au bord d'une route où passe, en moyenne, deux bagnoles par an. Le père, homme effacé et fragile, se fait traiter comme du poisson pourri par sa femme dès qu'il met un pied dans la maison, parce qu'il pue l'essence. Quant à la mère, bien que semblant être l'élément fort du couple, elle ressemble à une housewive au bord de la crise de nerfs. Elle en veut à son mari qui, d'après elle, lui a fait rater sa vie. Autant elle maltraite son pauvre bougre de mari, autant elle met sur un piédestal son fils ainé, Cameron ( joué par un Viggo Mortensen à ses débuts mais déjà charismatique ), qui est sur le point de rentrer à la maison, après avoir servi dans l'armée, dans le Pacifique. Pour compléter cette présentation de personnages, il y a Seth, 9 ans, leur deuxième fils. C'est lui le centre de l'histoire. Les premières minutes nous le montrent en train de faire des conneries avec ses copains, Eben et Kim. Les mômes aiment bousiller des trucs et faire exploser des crapauds : emmerder les voisins quoi ! On se croirait dans les 400 Coups, version Amérique profonde.
La victime préférée du turbulent Seth est une veuve qui habite pas très loin des Dove, une jeune femme anglaise venue s'installer dans la maison familiale de son époux. Mais le malheur a frappé à sa porte. Une semaine après leur mariage, son beau mari se pend. Depuis elle vit là, comme perdue dans le décor, semblant vieillir à vue d'oeil. Après une discussion avec son père - grand amateur de romans de gare - Seth se met en tête que sa voisine est un vampire, rien que ça !
Puis Eben, un des amis de Seth, disparaît. On le retrouvera mort quelques temps plus tard, en train de flotter dans le puits des Dove. La police accusera à tort le pauvre Mr Dove. Cet homme fragile ne le supportera pas. Seth assiste à la scène sans rien faire, sans rien dire. Tout comme il ne dit rien lorsqu'il voit passer, à de multiples reprises, une voiture noire pleine de mecs louches à son bord. Ceux-là sillonnent la région comme des ogres en vadrouille. Des ogres apparemment invisibles pour tous, sauf pour Seth.
Vous l'aurez compris, L'Enfant Miroir est un film-univers, qui fourmille d'idées. C'est une oeuvre qui nous représente le Monde, la vie, à travers les yeux d'un enfant, innocent oui, mais pas tant que ça. Le coeur du film est dans son titre. Je vous laisse découvrir avec Cameron ( c'est à dire Viggo Mortensen ) ce qu'est un enfant miroir. Comme le dit si bien Dolphin ( la veuve anglaise) à Seth : "L'enfance est une traversée bien difficile".
Même si la première qualité de L'Enfant Miroir est d'être un film extrêmement bien écrit, n'oublions pas de saluer la réalisation ample de Philip Ridley, bien aidée par une musique au souffle romanesque. On est parfois pas loin du style d'un Terrence Malick, notamment dans cette fascination à filmer la nature environnante.
Pour finir, précisons que Philip Ridley a réalisé deux autres films après The Reflecting Skin : Darkly Noon ( toujours avec Viggo) et Heartless. Deux films que je vous recommande vivement et qui auront probablement droit à leur Chronique Creepy un jour.
Ceux qui auront l'envie, la curiosité, de se plonger dans ce très beau film, ne regretteront pas leur voyage. Foi de Général !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire