jeudi 26 octobre 2017

The Medusa Touch ( 1978 ) de Jack Gold

Peu de films sont aussi viscéralement attachés à un personnage. The Medusa Touch c'est John Morlar (Richard Burton). Tout ce qui s'y passe tourne autour de ce soleil noir doté de deux satellites que sont Brunel (Lino Ventura) et Zonenfeld ( Lee Remick).
Le début du film nous montre rapidement un Morlar qui se fait massacrer chez lui, à grands coups de statuette ( on dirait bien une statuette de Napoléon mais franchement un anglais admirateur de Bonaparte, je sais pas, j'ai des doutes...même si Morlar est un type à part !) par un visiteur qu'il connait mais dont la caméra se garde bien de nous dévoiler l'identité, suspense oblige.
Et donc voilà un John Morlar sauvagement assassiné au bout de 2 minutes ? Lui qui était censé être la clé de voûte même de ce Medusa Touch ? 
Que nenni ! Au delà de toute logique, notre homme défie la Mort ! Un souffle de vie persiste (miraculeusement? démoniaquement?) en lui. Même sans pouvoir bouger le petit doigt, il est là et bien là. C'est SON film !
Alors arrive Brunel ( donc Lino) inspecteur, ô combien français, en stage d'échange professionnel en Angleterre. Ventura - bien que né en Italie- incarne tellement bien le héros français de l'époque ( à la fois bourru, grande gueule mais sensible, courageux et malin : bref éminemment sympathique quoi !) qu'il confère sans effort à son personnage ce côté décalé, étranger en tout point à cet environnement 100% british.  Sa présence au casting est en soi atypique étant donné qu'il a très peu tourné hors de France dans sa carrière.
Quand Jack Gold nous montre le Cri de Munch, accroché dans le salon de Morlar, c'est un moyen certes pas très original mais très clair pour nous faire comprendre d'emblée la détresse du personnage.

Commence alors l'enquête de Brunel. Les différents témoignages qu'il recueille, ainsi que la lecture du journal intime et des livres de John Morlar ( et oui, le bougre est écrivain) permettent au french inspector ( et à nous aussi donc) d'appréhender différents aspects de la personnalité complexe du bonhomme. L'aide de Zonenfeld ( la psy de Morlar, interprétée donc par Lee Remick) se révèlera également précieuse.
Bien que bénéficiant d'un peu de budget ( certaines scènes le montrent bien) la réalisation de Jack Gold est assez télévisuelle. Ce qui ne gâche en rien la qualité de son film. L'entrelacement de scènes du passé ( à travers les différents témoignages) avec celles du présent où Brunel enquête est mené très efficacement. En un simple mouvement de caméra, alors qu'on ne change pas d'endroit, on passe avec fluidité du présent au passé. C'est sobre mais très bien vu. De même que l'insertion d'extraits du journal de Morlar en voix-off donne un bel effet à la mise en scène. Soulignons également le rôle de la musique, angoissante à souhait, qui accompagne le tout. Le compositeur a fait le job, no doubt !
Alors que découvre-t-on ?
Et bien tout d'abord que Morlar est un homme en colère. Il en veut à Dieu, rien que ça. Quand il l'appelle le Céleste Néant et qu'il proclame que Dieu devrait comparaître devant un jury composé des désemparés du Monde, le doute n'est pas permis.

De même Morlar hait la société, cet "asile de l'absurde". On sent en lui plus qu'une indignation, mais plutôt un dégoût vis à vis des élites et des classes privilégiées.

L'un des témoins interrogés par Brunel mentionnera un détail extrêmement significatif sur l'impression que Morlar laisse sur les gens qui l'ont croisé : quand ils les regardent ils se sentent " forcément coupable de quelque chose." Et là on comprend l'allusion à la Méduse, " ce monstre créé pour combattre les dieux". Le regard implacable de Richard Burton prend ici tout son sens !

L'autre satellite, Zonenfeld, en sait aussi beaucoup sur notre homme en colère. La beauté, le regard angélique de Lee Remick, s'opposent ici merveilleusement bien au regard de Méduse de Richard Burton. Le gouvernement anglais lui-même semble avoir un oeil sur Morlar: tiendrait-on là un supervillain de comic books, capable de faire trembler la Couronne d'Angleterre ?

Outre une possible attirance pour sa belle psy, Morlar se rapproche de Zonenfeld aussi parce qu'il a besoin d'un témoin de son combat, de quelqu'un qui le croit. N'oublions pas que c'est un homme torturé par la culpabilité et la solitude. Tous les souvenirs qu'il partage avec Zonenfeld ( notamment une scène glaçante, véritable traumatisme d'enfance) montrent un personnage au pouvoir exclusivement destructeur. Morlar peut faire du mal aux personnes qui lui inspirent de mauvaises pensées. Il peut provoquer des désastres, faire le "sale boulot de Dieu" comme il dit. Mais sa position à ce sujet est très ambigüe. Oui, son pouvoir le torture et le fait culpabiliser mais à aucun moment il ne semble vouloir/pouvoir le neutraliser par un puissant effort de volonté. Pourtant il en est capable de volonté ! Mais sa haine de Dieu et son mépris de la société sont trop forts. Au fond, il a quand même très envie de danser sur le Monde comme Shiva. En cela, une phrase de Brunel apparait très inspirée voire prophétique: "Il n'y a pas de fin pour les désastres."

Richard Burton est, comme d'habitude, excellent, littéralement habité par son rôle. Et Jack Gold a trouvé la formule parfaite pour obtenir un extraordinaire crescendo de tension dans son film. Tout cela en amenant le spectateur à se poser cette question : Qu'est-ce qui maintient John Morlar en vie, au delà de toute logique et de tout ce qui est humainement et physiquement possible, quand on sait à quel point il hait le Monde ?

Tout le suspense est là et c'est puissant!

Bravo également à l'auteur des dialogues qui sont souvent finement ciselés et pleins d'esprit. D'ailleurs laissons John Morlar ( alors qu'il discute avec l'amant de sa femme !) conclure cette quatorzième Chronique Creepy :

Morlar: "La vérité a une odeur âpre qui vous importune."
L'amant : "Vous allez trop loin, Monsieur!"
Morlar: "Oh, j'en doute !"



vendredi 13 octobre 2017

The Omega Man ( 1971) de Boris Sagal

The Omega Man  ( ou Le Survivant en français ) est une très libre adaptation de Je suis une légende, le célèbre roman de Richard Matheson. Après The Last Man on Earth ( en 1964 et avec la légende Vincent Price) et bien avant le Je suis une Légende ( en euh on s'en fout et avec le type qui se prenait pour le prince de Bel-Air) , on ne peut pas dire que le chef d'oeuvre de Matheson aie eu droit à la parfaite adaptation cinématographique qu'il méritait ( même si le Vincent Price est pas dégueu du tout. C'est le plus fidèle au livre, en tout cas).
 
Le film dont il est question aujourd'hui suit une bonne longueur derrière. Quant au plus récent, je préfère rien dire parce que voilà, ça va faire monter ma tension pour rien.
 
Donc pourquoi parler de The Omega Man ? Parce que malgré les largesses ( énormes) qu'il prend vis à vis du livre, il n'en pose pas moins des questions intéressantes. Ça vous en bouche un coin, hein!
 
À première vue le film a l'air bourrin ( et il l'est par moments avec un Charlton Heston qui a la gâchette facile, mais bon ça lui va comme un gant). Si on ajoute à cela des moments what-the-fuckesques dispersés aux quatre coins du film et une réalisation sans grand relief de Boris Sagal ( un réalisateur qui a beaucoup travaillé pour la télévision) , on serait tenté de penser que ce Omega Man n'a pas grand intérêt.

Oui mais voilà, le film est étonnamment pertinent ( je dirais même burné) dans son message.

Deux modifications par rapport à l'histoire d'origine ont retenue particulièrement mon attention et donnent au film une saveur particulière :
primo, ici on parle de bacilles propagés au cours d'une nouvelle guerre mondiale qui aurait décimé l'Humanité. En d'autres termes, les hommes se sont balancés le fléau sur eux-mêmes, tout seuls comme des grands (cons) dans un suicide des plus stupides, à la Dr Folamour's style.

deuxio, les victimes ne deviennent pas des vampires. Ce sont juste des créatures qui ne supportent pas la lumière, qu'elle soit naturelle ou artificielle. Mais la véritable maladie qui les ronge c'est l'obscurantisme de la pensée. Quand on les voit tout de noirs vêtus et encapuchonnés, avec leur teint blafard et leur regard d'albinos, la torche à la main, ils ont tout l'air de fanatiques et d'inquisiteurs ( et je m'y connais là dessus !). 

Victimes des excès et de l'absence de morale de la science, ainsi que de la folie de leurs dirigeants politiques et militaires, ces individus perdus dans cette nouvelle ère qui commence, embrassent alors une foi trop obscure pour leur permettre de bâtir une nouvelle civilisation.

Cependant on ne peut que leur donner raison quand Matthias ( leur leader) fustige la science dont le personnage de Charlton Heston est la dernière incarnation. C'est elle qui a provoqué la malédiction qui s'est abattue sur ces pauvres malheureux. Mais ils oublient que cette science qui a détruit leur civilisation est aussi celle qui a fortement contribué à la construire. L'outil était bon, il a juste été mal utilisé. Bref, il n'est pas condamnable en soi. Comme toujours c'est l'homme qui déconne. La preuve sur cette photo :

Tous ces gens ( réunis sous le nom assez ironique de la "Famille") n'apparaissent jamais comme des individus mauvais. Encore une fois  c'est le terme de victimes qui leur va le mieux. Ce sont des égarés de l'esprit. Là dessus le film fait preuve d'assez de subtilité.
 
Il en va de même dans le traitement de Neville, le "héros" joué par Heston. Ce dernier nous sort une prestation 100% à la Charlton c'est à dire en campant un personnage intrépide, costaud et viril qui, comme dans la Planète des Singes, se laisse quand même un peu bouffé l'esprit par la haine que ses ennemis lui inspirent. Malgré son intelligence il oublie que les membres de la Famille sont avant tout des malades ; il commet l'erreur de les haïr et de prendre plaisir à les tuer et à les traiter comme de la vermine. C'est à travers les paroles d'un enfant qu'il vient de sauver que le reproche lui sera fait : " Vous m'avez sauvé mais parfois vous me faites encore plus peur que la Famille!". Neville ne comprendra pas cette remarque, persuadé d'être supérieur à ses ennemis et d'être dans son bon droit. Son intelligence, essentiellement scientifique, trouve là ses limites.
 
Le film  n'hésite pas à égratigner l'image de son héros, même s'il lui donne par moments des atours christiques.
 
Tourné en Technicolor, The Omega Man bénéficie d'une très belle patine et de riches couleurs. Dommage que la réalisation soit quelconque. Quant à la musique de Ron Grainer, elle se révèle très agréable à l'écoute et accompagne parfaitement le déroulé de l'action.
 
Nous sommes ici en présence d'un film qu'on apprécie malgré ses défauts. Sa force réside dans ce qu'il raconte. Bien sûr son message n'a rien de révolutionnaire mais il sonne juste. Et c'est dit de façon fort séduisante, clairement et avec une belle hargne !

 
 
 

vendredi 6 octobre 2017

Willard ( 1971 ) de Daniel Mann

Tout comme l'araignée et le serpent, le rat a depuis toujours eut cette capacité à nous filer les jetons. Il incarne à la perfection cette créature des souterrains obscurs, des égouts puants et crasseux, susceptible de peupler nos cauchemars.

Pris individuellement, il serait presque mignon. Mais très vite rat rime avec légion ( si, si, je vous assure ! je suis poète !) et il devient serviteur des forces du mal. Dracula lui-même y a recours de temps en temps !

L'erreur commise par Willard Stiles, personnage qui donne son titre au film, est de ne pas avoir vu venir le péril provoqué par la multitude. L'individu peut être bon, inoffensif, mais la foule ( surtout de rats!) est toujours dangereuse car incontrôlable.

Garçon sans amis, dominé voire martyrisé par son entourage ( notamment par son boss) Willard se lie d'amitié avec des rats. Avec eux il passe des heures à jouer et à faire le professeur ( et le rat apprend vite !) en oubliant pendant quelques heures la grisaille et l'ennui du monde sérieux et pragmatique ( monde représenté notamment par les personnages de la mère et du patron). Le jeune homme apprécie d'autant plus les rats qu'ils lui obéissent au doigt et à l'oeil. Enfin jusqu'à l'arrivée d'un gros rat noir, que Willard baptise Ben, qui semble moins obéissant, plus têtu et entreprenant que les autres. Ben deviendra un leader prêt à mener la révolution des damnés de la terre contre leur maître.

Willard n'est pas un mauvais bougre, il est juste lunaire, incapable de se fixer réellement sur le monde des adultes : tout cela l'ennuie. Sur ses épaules pèse également le poids du passé, feu son père ayant été le fondateur de la boîte où il travaille. On ne sait pas ce qui est exactement arrivé au paternel mais la famille Stiles - surtout la mère - estime que c'est le patron de Willard ( excellent Ernest Borgnine !) qui l'a "tué". Obligé de travailler et de courber l'échine sous les ordres du "tueur" de son père et incapable d'assumer financièrement la maison familiale ( qu'il laisse peu à peu tomber en ruines, comme un héritage beaucoup trop lourd à porter pour lui) Willard est un individu qui manque cruellement de confiance en lui. Pourtant, de temps en temps, il peut plaire ( à la petite collègue en face de lui au bureau, la toute jeune et mimi Sondra Locke en l'occurence) et arrive parfois même à prendre des décisions importantes.

Les rats vont l'aider à se venger de ce monde qui le rabaisse et qui ne veut pas de lui. Mais ils ne cesseront jamais de représenter une anomalie grave et effrayante dans la vie du jeune homme. Lorsque ces derniers ne se contentent plus de rester dans la cave,  où Willard les enferme, et qu'ils commencent à ronger les portes avant d'envahir la maison, on comprend bien que l'esprit de Willard est lui aussi rongé patiemment par un terrible envahisseur : la folie. Willard essaiera de reprendre le contrôle sur sa vie, les rats vivront cela comme une trahison de sa part.

La réalisation de Daniel Mann ( apparemment aucun lien de parenté ni avec Anthony ni avec Michael) est d'une sobriété absolue. Aucune audace, aucune tentative particulière de faire du beau visuellement. Tout juste l'image est elle "écrasée" comme pour rendre la maison des Stiles encore plus oppressante. Néanmoins certaines scènes, riches de sens, font mouche, en nous montrant bien à quel point les hommes ne valent guère mieux que les rats qu'ils méprisent.

Bruce Davison est très à l'aise en garçon lunaire. Il est l'exact opposé du personnage d' Ernest Borgnine, homme (trop?) sûr de lui, vorace et libidineux : un pragmatique sans états d'âme qui incarne à la perfection la virilité de l'homme d'affaires américain. Cette figure ayant pignon sur rue, valorisée et respectée par les autres pour sa médiocrité même, semble-t-il...

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Alors qu'il sont en pleine expédition au Népal, Ted Harrison et sa petite amie Marjorie, vont être sauvagement attaqués par un ...