Peu de films sont aussi viscéralement attachés à un personnage. The Medusa Touch c'est John Morlar (Richard Burton). Tout ce qui s'y passe tourne autour de ce soleil noir doté de deux satellites que sont Brunel (Lino Ventura) et Zonenfeld ( Lee Remick).
Le début du film nous montre rapidement un Morlar qui se fait massacrer chez lui, à grands coups de statuette ( on dirait bien une statuette de Napoléon mais franchement un anglais admirateur de Bonaparte, je sais pas, j'ai des doutes...même si Morlar est un type à part !) par un visiteur qu'il connait mais dont la caméra se garde bien de nous dévoiler l'identité, suspense oblige.
Et donc voilà un John Morlar sauvagement assassiné au bout de 2 minutes ? Lui qui était censé être la clé de voûte même de ce Medusa Touch ?
Que nenni ! Au delà de toute logique, notre homme défie la Mort ! Un souffle de vie persiste (miraculeusement? démoniaquement?) en lui. Même sans pouvoir bouger le petit doigt, il est là et bien là. C'est SON film !
Alors arrive Brunel ( donc Lino) inspecteur, ô combien français, en stage d'échange professionnel en Angleterre. Ventura - bien que né en Italie- incarne tellement bien le héros français de l'époque ( à la fois bourru, grande gueule mais sensible, courageux et malin : bref éminemment sympathique quoi !) qu'il confère sans effort à son personnage ce côté décalé, étranger en tout point à cet environnement 100% british. Sa présence au casting est en soi atypique étant donné qu'il a très peu tourné hors de France dans sa carrière.
Quand Jack Gold nous montre le Cri de Munch, accroché dans le salon de Morlar, c'est un moyen certes pas très original mais très clair pour nous faire comprendre d'emblée la détresse du personnage.
Commence alors l'enquête de Brunel. Les différents témoignages qu'il recueille, ainsi que la lecture du journal intime et des livres de John Morlar ( et oui, le bougre est écrivain) permettent au french inspector ( et à nous aussi donc) d'appréhender différents aspects de la personnalité complexe du bonhomme. L'aide de Zonenfeld ( la psy de Morlar, interprétée donc par Lee Remick) se révèlera également précieuse.
Bien que bénéficiant d'un peu de budget ( certaines scènes le montrent bien) la réalisation de Jack Gold est assez télévisuelle. Ce qui ne gâche en rien la qualité de son film. L'entrelacement de scènes du passé ( à travers les différents témoignages) avec celles du présent où Brunel enquête est mené très efficacement. En un simple mouvement de caméra, alors qu'on ne change pas d'endroit, on passe avec fluidité du présent au passé. C'est sobre mais très bien vu. De même que l'insertion d'extraits du journal de Morlar en voix-off donne un bel effet à la mise en scène. Soulignons également le rôle de la musique, angoissante à souhait, qui accompagne le tout. Le compositeur a fait le job, no doubt !
Alors que découvre-t-on ?
Et bien tout d'abord que Morlar est un homme en colère. Il en veut à Dieu, rien que ça. Quand il l'appelle le Céleste Néant et qu'il proclame que Dieu devrait comparaître devant un jury composé des désemparés du Monde, le doute n'est pas permis.
De même Morlar hait la société, cet "asile de l'absurde". On sent en lui plus qu'une indignation, mais plutôt un dégoût vis à vis des élites et des classes privilégiées.
L'un des témoins interrogés par Brunel mentionnera un détail extrêmement significatif sur l'impression que Morlar laisse sur les gens qui l'ont croisé : quand ils les regardent ils se sentent " forcément coupable de quelque chose." Et là on comprend l'allusion à la Méduse, " ce monstre créé pour combattre les dieux". Le regard implacable de Richard Burton prend ici tout son sens !
L'autre satellite, Zonenfeld, en sait aussi beaucoup sur notre homme en colère. La beauté, le regard angélique de Lee Remick, s'opposent ici merveilleusement bien au regard de Méduse de Richard Burton. Le gouvernement anglais lui-même semble avoir un oeil sur Morlar: tiendrait-on là un supervillain de comic books, capable de faire trembler la Couronne d'Angleterre ?
Outre une possible attirance pour sa belle psy, Morlar se rapproche de Zonenfeld aussi parce qu'il a besoin d'un témoin de son combat, de quelqu'un qui le croit. N'oublions pas que c'est un homme torturé par la culpabilité et la solitude. Tous les souvenirs qu'il partage avec Zonenfeld ( notamment une scène glaçante, véritable traumatisme d'enfance) montrent un personnage au pouvoir exclusivement destructeur. Morlar peut faire du mal aux personnes qui lui inspirent de mauvaises pensées. Il peut provoquer des désastres, faire le "sale boulot de Dieu" comme il dit. Mais sa position à ce sujet est très ambigüe. Oui, son pouvoir le torture et le fait culpabiliser mais à aucun moment il ne semble vouloir/pouvoir le neutraliser par un puissant effort de volonté. Pourtant il en est capable de volonté ! Mais sa haine de Dieu et son mépris de la société sont trop forts. Au fond, il a quand même très envie de danser sur le Monde comme Shiva. En cela, une phrase de Brunel apparait très inspirée voire prophétique: "Il n'y a pas de fin pour les désastres."
Richard Burton est, comme d'habitude, excellent, littéralement habité par son rôle. Et Jack Gold a trouvé la formule parfaite pour obtenir un extraordinaire crescendo de tension dans son film. Tout cela en amenant le spectateur à se poser cette question : Qu'est-ce qui maintient John Morlar en vie, au delà de toute logique et de tout ce qui est humainement et physiquement possible, quand on sait à quel point il hait le Monde ?
Tout le suspense est là et c'est puissant!
Bravo également à l'auteur des dialogues qui sont souvent finement ciselés et pleins d'esprit. D'ailleurs laissons John Morlar ( alors qu'il discute avec l'amant de sa femme !) conclure cette quatorzième Chronique Creepy :
Morlar: "La vérité a une odeur âpre qui vous importune."
L'amant : "Vous allez trop loin, Monsieur!"
Morlar: "Oh, j'en doute !"
De même Morlar hait la société, cet "asile de l'absurde". On sent en lui plus qu'une indignation, mais plutôt un dégoût vis à vis des élites et des classes privilégiées.
L'un des témoins interrogés par Brunel mentionnera un détail extrêmement significatif sur l'impression que Morlar laisse sur les gens qui l'ont croisé : quand ils les regardent ils se sentent " forcément coupable de quelque chose." Et là on comprend l'allusion à la Méduse, " ce monstre créé pour combattre les dieux". Le regard implacable de Richard Burton prend ici tout son sens !
L'autre satellite, Zonenfeld, en sait aussi beaucoup sur notre homme en colère. La beauté, le regard angélique de Lee Remick, s'opposent ici merveilleusement bien au regard de Méduse de Richard Burton. Le gouvernement anglais lui-même semble avoir un oeil sur Morlar: tiendrait-on là un supervillain de comic books, capable de faire trembler la Couronne d'Angleterre ?
Outre une possible attirance pour sa belle psy, Morlar se rapproche de Zonenfeld aussi parce qu'il a besoin d'un témoin de son combat, de quelqu'un qui le croit. N'oublions pas que c'est un homme torturé par la culpabilité et la solitude. Tous les souvenirs qu'il partage avec Zonenfeld ( notamment une scène glaçante, véritable traumatisme d'enfance) montrent un personnage au pouvoir exclusivement destructeur. Morlar peut faire du mal aux personnes qui lui inspirent de mauvaises pensées. Il peut provoquer des désastres, faire le "sale boulot de Dieu" comme il dit. Mais sa position à ce sujet est très ambigüe. Oui, son pouvoir le torture et le fait culpabiliser mais à aucun moment il ne semble vouloir/pouvoir le neutraliser par un puissant effort de volonté. Pourtant il en est capable de volonté ! Mais sa haine de Dieu et son mépris de la société sont trop forts. Au fond, il a quand même très envie de danser sur le Monde comme Shiva. En cela, une phrase de Brunel apparait très inspirée voire prophétique: "Il n'y a pas de fin pour les désastres."
Richard Burton est, comme d'habitude, excellent, littéralement habité par son rôle. Et Jack Gold a trouvé la formule parfaite pour obtenir un extraordinaire crescendo de tension dans son film. Tout cela en amenant le spectateur à se poser cette question : Qu'est-ce qui maintient John Morlar en vie, au delà de toute logique et de tout ce qui est humainement et physiquement possible, quand on sait à quel point il hait le Monde ?
Tout le suspense est là et c'est puissant!
Bravo également à l'auteur des dialogues qui sont souvent finement ciselés et pleins d'esprit. D'ailleurs laissons John Morlar ( alors qu'il discute avec l'amant de sa femme !) conclure cette quatorzième Chronique Creepy :
Morlar: "La vérité a une odeur âpre qui vous importune."
L'amant : "Vous allez trop loin, Monsieur!"
Morlar: "Oh, j'en doute !"
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