jeudi 1 mars 2018

The Tall Man ( 2012) de Pascal Laugier




Pour sa première expérience outre-Atlantique, on ne peut pas dire que Pascal Laugier  ( réalisateur du traumatisant Martyrs ) aie manqué de courage dans le choix de son sujet. Son film, ayant pour cadre une Amérique profonde, très " à la Stephen King", a incontestablement des choses à dire sur des thèmes d'actualité et ô combien épineux.

Tout se passe à Cold Rock, ville morte, minée de problèmes économiques et sociaux. Et pour couronner le tout, les enfants de Cold Rock disparaissent sans laisser la moindre trace. La seule explication que la population trouve à cette série de disparitions débouche sur la naissance de la légende du Tall-Man, un homme ( grand donc) qui surgit de la forêt pour enlever les mômes. Mais est-ce bien une légende? On ne tarde pas, en tout cas, à accorder au furtif et insaisissable kidnappeur des attributs quasi-surnaturels.

La vaste forêt aux portes de Cold Rock est l'alliée du Tall Man. C'est d'elle qu'il surgit et c'est encore elle qui lui offre refuge. Comme si elle le cachait aux yeux du monde civilisé, juste sous le nez des habitants de Cold Rock. Elle est l'inconnue, le territoire sauvage et inexploré, juste à quelques mètres du bord de la route. Son côté protecteur m'a rappelé une autre forêt : celle où se réfugie John Rambo pour échapper à la stupide bande de policiers qui le persécute.

The Tall Man repose en grande partie sur les épaules de Jessica Biel qui interprète le rôle pas facile du tout de Julia, une jeune veuve qui travaille comme médecin dans cette ville sinistrée. Une nuit, son fils de 5 ans est, à son tour, enlevé. Elle se lance à la poursuite  du kidnappeur sachant que si elle le perd de vue, elle ne reverra jamais son enfant.

Dans sa structure même, le film est déjà un pari très osé, car Laugier n'hésitera pas à coller un twist très tôt, alors qu'il termine à peine d'installer les bases et le contexte de son récit. La chose laisse le spectateur un brin déboussolé, il lui faudra quelques minutes pour retrouver des repères, mais l'effet est vertigineux. Pascal Laugier montre là qu'il est un fin manipulateur. Et c'est un autre film qui commence à présent.


Il y a, d'après moi, un autre personnage important dans le récit : il s'agit de Jenny, une gamine de 12 ans. Jenny n'est pas folle ni stupide ni malsaine, et pourtant elle donne l'impression de "rechercher" le Tall-Man. L'ayant aperçu une fois, elle semble attirée irrésistiblement par ce mystère. En rupture avec le monde extérieur à qui elle n'adresse pas la parole ( elle préfère communiquer par écrit et par des dessins) Jenny personnifie assez bien l'idée de l'enfant pris au piège dans un milieu familial difficile, qui ne lui offre pas de réelles perspectives d'épanouissement personnel et d'avenir. Le film parle clairement de ces adultes qui élèvent leurs enfants uniquement pour qu'ils deviennent comme eux, c'est à dire des êtres perdus dans la vie. Il y a cette idée tenace qu'il faudrait pouvoir rompre ce cycle de malheur.

Le personnage de Julia est par ailleurs difficile à appréhender par le spectateur tant que celui-ci ne connaîtra pas les mobiles qui la font agir ainsi. Son ambigüité est totale. Son silence protège quelqu'un, quelque chose de suffisamment grand pour qu'elle soit prête à se sacrifier...en martyre ( désolé mais fallait que je la sorte celle là!). Pour pouvoir la juger, encore faudrait -il que nous en ayons le droit et la lucidité nécessaire. Les habitants de Cold Rock, clairement, ne semblent pas en être capables. Véritables somnambules de la vie, victimes de leur propre marasme existentiel, victimes d'eux-mêmes, ils "s'accrochent" comme ils disent pour survivre à la misère ( dans tous les sens du terme) omniprésente autour d'eux. Ils ont des enfants par pure obéissance à leurs instincts et aux exigences de la société. Par pur mimétisme, par pur hasard aussi, peut être. Et ces adultes savent instinctivement que les enfants sont meilleurs qu'eux. Pour les mômes il y a encore de l'espoir au moins. Alors que pour les "grands", c'est fini, c'est trop tard. Alors oui ces parents aiment leurs rejetons mais, au fond, ont-ils vraiment la capacité de leur proposer une vie d'espoir, de rêves et d'ambitions ? Bref de les élever !

Le film prendra tout son temps pour se dévoiler, laissant bon nombre de spectateurs, je pense, moralement choqués. Car ici Laugier touche à quelque chose d'hyper sensible, de très dur à dire, bref à un terrain miné comme pas deux. Certains pourront même dire que le simple fait d'avoir pensé et voulu raconter cette histoire est déjà suspect voire nauséabond. Personnellement je ne le crois pas. Par l'intermédiaire de Jenny je crois que c'est aussi le réalisateur qui parle.
 
Le film se conclut sur une question que Jenny se pose à elle-même ( et donc par extension au spectateur aussi) et qu'elle répète trois fois, à chaque reprise sur un ton plus marqué par l'effroi et un terrible doute...






 
 



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