mardi 8 mai 2018

Under the skin ( 2013) de Jonathan Glazer

Sur des images de l'Espace, dignes d'un 2001 Odyssée de... l'Espace ...voilà comment démarre ce très beau film de Jonathan Glazer. Une voix féminine s'exerce à prononcer des syllabes puis des mots ; elle apprend à parler. Puis un mystérieux motard fait son apparition. Il récupère le corps inanimé d'une jeune femme sur le bord de la route. La pauvre malheureuse se fera dépouiller de ses vêtements, le tout filmé sur un fond blanc pas naturel du tout ! Et par qui se fait elle déshabiller? Par une réplique d'elle même ( Scarlett Johansson) ! Après un passage au centre commercial afin de s'équiper pour sa "mission", la réplique venue de l'Espace se verra confier les clefs d'une camionnette. Elle va pouvoir patrouiller dans les rues d'une grande ville écossaise, pour chasser le mâle ! Voilà pour le pitch.
 
Malgré le fait qu'il repose entièrement sur les épaules de la méga star hollywoodienne qu'est Scarlett Johansson, on ne peut pas dire qu' Under The Skin soit un film hyper connu. D'ailleurs son réalisateur n'avait pas à l'époque ( et n'a toujours pas à présent) une filmographie des plus fournies et reconnues. Ceci est dû, à mon avis, à l'extrême étrangeté que tout le film dégage. C'est une oeuvre essentiellement sensorielle et jusqu'au boutiste. Pas très mainstream tout ça ! Scarlett y livre une prestation minimaliste et d'une grande froideur, parfaitement adaptée à son personnage totalement dénué d'émotions et d'expressivité. 

Pour installer cette impression d'étrangeté Glazer utilise avec parcimonie la musique. La plupart du temps le seul accompagnement sonore auquel on a droit sont les bruits de la rue. Ce choix augmente l'effet d'immersion auprès du public et contribue au style épuré du film. Ce n'est que sur des moments clé que la musique ( de l'électro sombre ou des violons grinçants) entre en jeu avec un certain goût pour la dissonance et l'étrangeté, cela va de soi. 

Glazer se paie aussi de jolis moments d'expérimentation visuelle, comme par exemple des fonds noirs qui abolissent l'espace autour des personnages, créant par là un autre environnement, une autre dimension dans laquelle les proies de la Scarlett s'enfoncent inexorablement, comme s'ils se faisaient engloutir par des marécages invisibles. C'est visuellement fascinant et diablement audacieux.
 
Le réalisateur prend le temps de filmer les rues, les gens, et cela donne un aspect presque de documentaire, par moments. Ceci créé un intéressant contraste avec les moments plus clipesques et expérimentaux du film. Et le moins que l'on puisse dire c'est que Jonathan Glazer a le sens de l'image marquante et troublante. Tout, même le choix de l' Ecosse, semble avoir été pensé minutieusement. Car, même si Glazer montre un intérêt certain pour les paysages écossais, on peut se dire que l'accent écossais ( pour moi parfaitement incompréhensible !) participe également à la bizarrerie du film.
 
En se plaçant souvent dans la perspective de l'alien, le réalisateur nous tend un miroir pour nous montrer toute l'étrangeté du monde humain. Scarlett Johansson réussit parfaitement à nous transmettre l'idée que son personnage est intrigué et décontenancé par cette virée sur Terre. Se détournant de sa mission, elle va vouloir faire l'expérience de notre monde ( en faisant des trucs de fou genre essayer de manger une part de gâteau ou prendre le bus ! ).

De là viendra l'évolution du personnage. Elle se montrera capable de faire preuve de libre arbitre. Fascinée par le monde qu'elle découvre et par son enveloppe charnelle, elle désobéira. La sensualité de Scarlett Johansson fait ici des merveilles. Elle n'est peut être pas la plus grande actrice de tous les temps mais elle montre ici quand même une certaine capacité à changer de registre. Entre la Scarlett de Lost in Translation, Ghost in the Shell, Match Point et donc ce Under the skin, on peut dire qu'elle sait jouer des rôles variés.
 
Pour conclure, je dirais que peu de film nous assène un final aussi bluffant et magnifique, rendu encore plus efficace par le rythme lancinant de cette oeuvre inclassable. On espère donc que son réalisateur puisse donner suite à cet excellent travail.

 
 

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