En 1974 la Hammer avait
besoin de sang neuf. Toujours accrochée aux recettes gothiques qui
firent sa gloire dans les années 60, la célèbre firme anglaise a
dû mal à se renouveler. De l'autre côté de l'Atlantique des films
d'horreur novateurs fleurissent, tels La nuit des Morts Vivants (
1969) ou l'Exorciste ( 1973). Pour essayer de faire peau neuve, la
Hammer tentera donc de lancer une nouvelle saga dont le Capitaine
Kronos : tueur de vampires qui nous intéresse aujourd'hui en
est le premier épisode. Et le dernier, hélas. Car, disons-le
franchement, le film a fait un bide commercial. Le président de la
Hammer, Michael Carreras lui-même, n'a semble-t-il pas du tout
apprécié le film et a retardé la sortie en salle le plus possible.
Et four, il y eut. Et pourtant, et pourtant...
Mais au fait, de quoi ça
parle ? Allez, pitch : Nous sommes à la fin du XIXème
siècle. Officier de la Garde Impériale, le capitaine Kronos ( Horst
Janson) arrive dans un village où il a été appelé par son vieil
ami, le Docteur Marcus ( John Carson) , suite aux décès suspects de
plusieurs jeunes femmes, retrouvées le visage affreusement vieilli.
Aidé d'une jeune moribonde mise au pilori ( Caroline Munro) ainsi
que de son assistant bossu Grost ( John Cater), Kronos réalise
immédiatement qu'il a affaire à un cas de vampirisme...
"Tiens, dans ta gueule !" |
Ce que l'on peut dire
c'est que l'insuccès du film n'est pas dû à son manque d'idées.
Aller chercher Brian Clemens, scénariste et producteur de Chapeau
Melon et Bottes de Cuir, c'était très bien vu déjà. On peut dire
que Clemens, dont c'était alors la première expérience derrière
la caméra ( et la dernière aussi ! Et c'est bien dommage!) a
apporté un véritable vent de fraîcheur au film.
Car oui, Capitaine
Kronos : tueur de vampires innove pas mal, et de manière
intelligente, par rapport à la production Hammer standard. Ici, par
exemple, les vampires ne sont pas forcément des suceurs de sang. Ils
peuvent également se nourrir de la jeunesse de leurs victimes.
L'idée qu'il existe plusieurs espèces de vampires, avec des régimes
alimentaires et des points faibles divers, est intéressante. Tous ne
se laissent pas forcément tuer par un pieu dans le cœur. Le tueur
de vampires doit donc à chaque fois trouver l'arme idéale au cas
par cas. Il ne suffit plus d'agiter bêtement un crucifix à la face
du vampire. Si on n'a pas la foi en Dieu, l'objet se révèle
inefficace.
"Capitaine Kronos, sauvagement torturé " |
En terme de mise en
scène, là aussi les idées visuelles pullulent ( Une cloche qui se
met mystérieusement à saigner pour signaler que la malédiction
s'abat sur le village. La croix dans l'église dont les branches se
tordent. Les fleurs qui meurent instantanément sous les pas du
vampire etc...etc...). Signalons également le bon choix de montrer
le vampire avec sobriété et avec des apparences spectrales. Bref,
si les couleurs flamboyantes de la grande époque ne sont plus de
rigueur, le film garde néanmoins un côté baroque et a sacrément
de la gueule. Il bénéficiera également d'une belle qualité
d'écriture au niveau des dialogues qui permettront l'ajout de
petites touches d'humour pleines d'esprit et fort bien placées. À
cela s'ajoute une bo, ma foi, fort sympathique et efficace à nous
immerger dans l'histoire.
Capitaine Kronos fera
également partie de ses productions Hammer où l'érotisme sera
davantage mis en avant. On peut dire que les jolies filles ne
manquent pas à l'appel, avec la starlette Caroline Munro en tête de
file. Vous voyez que ce film a ses arguments ! Oh oui, bien sûr,
Horst Janson – acteur allemand qui pour moi était jusqu'alors un
illustre inconnu – campe ici un tueur de vampires qui relève du
prince vendeur de biscuits chocolatés... C'est vrai qu'il est un peu
fadasse et qu'on ne peut le comparer aux légendes de la Hammer (
Lee, Cushing, Reed). Mais sa performance n'est pas non plus
catastrophique. En contrepartie, le personnage du bossu Grost–
figure pour une fois montrée autrement que comme un vil freak
serviteur du Mal – se révèle être pétillant et attachant. C'est
d'ailleurs de lui que proviennent les fameuses touches d'humour du
film. L'acteur qui l'interprète, John Cater, est clairement un
théâtreux.
On aura reproché au film
de trop mélanger les genres : horreur, films de cape et d'épée,
et western en l'occurence. Oui, oui, western ! Il faut avoir vu
le Capitaine Kronos et Grost se faire provoquer dans un bar par trois
brigands. Voilà que le capitaine dégaine son épée plus vite que
son ombre. Une vraie scène de saloon.... Pour en revenir aux défauts
du film il est indéniable que le scénario parfois patine un peu
dans la semoule. Ces reproches sont valables, il est vrai. Et
pourtant le film se tient parfaitement jusqu'au bout. On arrive au
dernier acte les yeux toujours scotchés à l'écran. Et quel final !
Certains diront que c'était cousu de fil blanc. Dans mon cas précis,
que nenni ! De la révélation, du drame, du combat à l'épée,
tout ça montré par une caméra audacieuse et agile : que
demande le peuple ?
Oui, malgré sa mauvaise
réputation et ses faiblesses, Capitaine Kronos : tueur de
vampires est un bel objet filmique plein d'atouts. S'il est
indéniablement associé à la période de déclin de la Hammer, le
film mérite d'être réévalué, je trouve. J'ai même ouïe dire
qu'il est l'objet d'un petit culte chez les fans hardcore de la
Hammer. Et bien, j'en suis alors !